Les mammouths vont-ils revivre ?

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Aurélie Frex , modifié à
Une équipe de scientifiques japonais affirme pouvoir redonner vie à l’animal. Décryptage.

Faire naître un mammouth dans cinq ans, tel est le défi que s’est lancé l’équipe du scientifique japonais Akira Iritani, de l’université de Kyoto. Ces chercheurs pensent pouvoir faire revivre l’espèce des "mammouths laineux", disparue depuis 4.000 ans en raison d’un changement climatique. Un véritable "fantasme" pour la communauté scientifique, qui serait "l’évènement du siècle", selon Pascal Tassy, paléontologue et spécialiste des animaux fossiles au Muséum national d’Histoire naturelle, interrogé par Europe1.fr

Est-ce possible ?

Le mammouth, dont le squelette trône fièrement au Museum d’Histoire naturelle, fascine depuis toujours. Un engouement dû au fait que l’Homme a côtoyé et peint cet animal, mais aussi à sa physionomie. "Le mammouth c’est le dinosaure à l’échelle humaine (…) C’est un gros animal débonnaire, qui a des poils, une peluche gigantesque", confie Pascal Tassy.

Pour le faire revivre, les scientifiques pensent être capables d’extraire l’ADN de spécimens congelés depuis des milliers d’années dans le permafrost sibérien. Grâce à une méthode de clonage, à partir de ces cellules congelées, ils comptent insérer le noyau cellulaire dans une cellule-souche d’éléphant. L’embryon ainsi créé pourrait alors être inséré dans l’ovule d’une éléphante, qui pourrait potentiellement donner vie à un mammouteau après une gestation estimée à 600 jours.

Les obstacles sont toutefois nombreux : il faut que la cellule "mammouth" soit compatible avec le noyau "éléphant", mais aussi qu’on puisse prélever un ovule sur une éléphante, ce qui est encore impossible à réaliser du vivant de l’animal.

L'explorateur Bernard Buigues  930x620

Autre problème de taille : on n’a jamais trouvé de matériel génétique en suffisamment bon état pour réaliser l’expérience. "Même s’il est vrai qu’on connaît les techniques de clonage, le problème est qu’on n’a jamais trouvé de cellule vivante dans des carcasses de mammouths congelés. Ces animaux sont remarquablement conservés dans le sol congelé de la Sibérie, mais ce sont des cadavres, donc la mort cellulaire a déjà fait son œuvre", explique Pascal Tassy.

"Et puis le clonage, ce sont des centaines d’essais pour les animaux domestiques, donc il faudrait en faire autant sur les éléphants. Il y a une chance sur un milliard, mais elle existe", ajoute-t-il.

Un fantasme de scientifique

Reproduire dans la réalité la fiction Jurassic Park est un rêve de scientifique. Une technique impossible sur les dinosaures, car ils ont disparu il y a bien trop longtemps, mais "fantasmée" sur les mammouths. "Il y a une grande part de fantasme, et un enjeu technologique. L’homme a toujours essayé de faire plus que ce qu’il était capable de faire, et il l’a toujours fait", constate Pascal Tassy.

Si le rêve devenait réalité, une question morale se poserait : le rôle du scientifique est-il de faire revivre des espèces ? "C’est un problème de fond. Vous avez des scientifiques qui le feraient, et d’autres qui pensent qu’on a autre chose à faire. En tant que paléontologue, je m’intéresse aux espèces disparues. Essayer à tout prix de faire revivre le mammouth alors qu’à côté on voit disparaître sous nos yeux les éléphants, c’est un paradoxe difficile à soutenir. Et que deviendrait cet animal, seul, loin de son milieu d’origine ?", s"interroge le scientifique, qui avoue toutefois comprendre "le côté science-fiction de ce challenge scientifique".

Reste donc à attendre 2016 pour espérer rencontrer un mammouteau en chair et en os. Et pas seulement dans l’Age de glace