L'échec du "tous propriétaires"

Pour la Fondation Abbé Pierre, la politique de Nicolas Sarkozy en terme de propriété est un échec.
Pour la Fondation Abbé Pierre, la politique de Nicolas Sarkozy en terme de propriété est un échec. © MAXPPP
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avec Raphaëlle Schapira , modifié à
Selon la Fondation Abbé Pierre, les plus modestes sont de moins en moins nombreux à acheter.

Comme chaque année depuis 16 ans, la Fondation Abbé Pierre a publié son rapport sur le mal-logement en France. Et les chiffres, basés sur les données de l'Insee, sont terribles : 3,6 millions le nombre de personnes sont non ou mal-logées, et plus de 5 millions en situation de fragilité à court ou moyen terme. Mais au-delà de ce constat, l’association a choisi de dresser le bilan de la politique du "tous propriétaires" souhaitée par Nicolas Sarkozy depuis 2007.

"Bien sûr, l'idée est formidable", admet la Fondation. "Mais c'est un leurre". Car malgré les aides fiscales en faveur des propriétaires, y compris les plus modestes, les inégalités se sont accentuées. Aujourd'hui, les propriétaires modestes sont bien moins nombreux qu'il y a plusieurs années. "37 % des 20 % des ménages les plus modestes sont aujourd’hui propriétaires de leur logement alors qu’ils étaient 47 % en 1988", écrit l’association dans son rapport.

"Ce n'est pas l'objectif que nous poursuivons, ce n'est pas la politique gouvernementale, nous ne souhaitons pas une politique du tous propriétaires", a rétorqué le secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu, mardi matin.

Basculer dans le surendettement

La Fondation dénonce en fait le rêve vendu par le gouvernement, qui pousse les plus fragiles à acheter. Y compris avec peu d'apport et des mensualités qui dépassent largement le tiers des revenus. Ou quitte à acheter plus loin de son lieu de travail, ce qui entraîne des dépenses colossales en transports. Et une vie toujours plus dure et plus compliquée. "Il ne faut pas être propriétaire à n’importe quel prix" indique Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre. La durée et le montant de l’endettement se sont allongés, constate la Fondation.

Au delà du constat, la Fondation Abbé Pierre fait deux propositions : construire davantage de logements et réguler le prix du marché de l’immobilier, comme cela se fait en Allemagne.

"Etre propriétaires, c’était une fierté"

C’est le cas d’Arlette et de son mari, propriétaires depuis 18 ans à Clichy-sous-Bois, quand les ennuis ont commencé. Un crédit et des charges qui augmentent, et voilà l’appartement du couple mis aux enchères. "C’était vraiment dur. Il y avait une queue d’au moins 200 personnes dehors. On les voyait rentrer, défiler, regarder. Nous étions des invisibles", se rappelle Arlette.

C’est finalement une association qui rachète le bien et leur reloue. "S’il y avait pas eu l’association, on ne sait pas qui aurait acheté l’appartement et nous nous serions retrouvés dehors, à la rue. Nous sommes passés à côté d’une grosse catastrophe pour nous", reprend Arlette. "Etre propriétaires, c’était une fierté pour nous. Vous êtes un petit peu mieux vu. Je me sens un peu honteuse. Aujourd’hui, notre famille n’est pas au courant que nous sommes locataires."