Indigné par le livre de Stéphane Hessel

"J'y crois pas!", rédigé sous pseudonyme mais à la demande de Renaud Camus, répond au "Indignez-vous!" de l'ancien résistant et diplomate Stéphane Hessel.
"J'y crois pas!", rédigé sous pseudonyme mais à la demande de Renaud Camus, répond au "Indignez-vous!" de l'ancien résistant et diplomate Stéphane Hessel. © DR
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J’y crois pas ! profite de la "mode Hessel" pour diffuser des idées proches de l'extrême-droite.

L’ancien résistant Stéphane Hessel et son mini-livre Indignez vous ! a été l’une des sensations littéraires de l’année 2010. Un succès populaire -1,6 million d’exemplaires vendus -, une critique élogieuse, une large couverture médiatique, bref une unanimité qui agace certains. La réponse n'a pas tardé à venir, sous la forme d'un pamphlet publié le 1er mars.

Indignez vous !, “un tract payant“

Les éditions David Reinharc sont donc les premières à dégainer avec J’y crois pas ! Un livre de la même longueur (30 pages), qui empreinte le même ton, alliant réflexions sociétales et anecdotes personnelles. L’auteur, qui a choisi pour pseudonyme Orimont Bolacre, affiche la couleur dès le début de l'ouvrage. Il dit vouloir répondre “aux indignations très sélectives“ de Stéphane Hessel. “Étrange sensation de déjà-lu, quelque part, ici ou la, un peu partout (…) Envie de soupirer : ‘Ah bon, c’était ça ?’“ C’est peu dire qu’Orimont Bolacre n’a pas été emballé par l’ouvrage de Stéphane Hessel. Ce dernier est même qualifié de “tract payant“.

La dialectique de l’anti-système et de la pensée unique

Orimont Bolacre est un sympathisant du Parti de l'innocence, créé par Renaud Camus. "Il trouve que c’est un peu léger, que les raisons données de s’indigner sont un peu évidentes, sélectives", a expliqué jeudi l'écrivain sur Europe1, dans Bienvenue chez Basse. "Comme le livre encourage à s’indigner, il s’indigne pour d’autres raisons", a-t-il ajouté, précisant qu'il n'est pas lui-même l'auteur du pamphlet.

Caché derrière son pseudonyme, l’auteur qui se présente comme un jeune de 31 ans, entend surtout profiter de cette tribune pour présenter ses propres sources d’inquiétude. Empruntant régulièrement le métro, ce dernier précise qu’il “n’est pas ambassadeur de France mais entre deux emplois“, manière de rappeler qu’il n’est pas dans le système.

La suite est une longue dénonciation de la pensée unique, “jamais la parole officielle n’a été aussi hégémonique“, regrette l’auteur. Eric Zemmour a d’ailleurs droit à un rapide hommage, lorsqu’il est regretté que “le moindre chroniqueur marche sur des œufs et doit s’attendre, en cas de ‘dérapage’, à rendre immédiatement des comptes à la justice “.

S’indigner, surtout contre l’immigration

L’ouvrage “a été écrit d’une seule traite sous le coup d’une inspiration ardente“, précise l’éditeur dans un communiqué. Mais les différentes sources d’indignation s’accumulent et prennent progressivement la forme d’une ligne politique. “Niaiseries du ‘multiculturalisme’“, “gourous des IUFM“, “il est impératif de retrouver notre souveraineté politique“ : autant d’éléments qui, mis bout à bout, ressemblent à s’y méprendre à un programme politique proche de l’extrême-droite.

Car Orimont Bolacre, lui aussi, s’indigne. Contre les drapeaux nord-africains qui peuvent apparaître lors de matches de football, contre “le besoin d’édifier des mosquées à travers tout le pays“, contre le racisme anti-blanc (bien qu’il ne soit pas nommé), etc. Revenant à Stéphane Hessel et aux résistants de la Seconde guerre mondiale, l’auteur poursuit : “ce que n’avaient pas non plus prévu ces hommes généreux et courageux, c’est qu’un jour viendrait où, en France, il y aurait une quantité croissante de ‘citoyens de papiers’ et seulement de papiers. Ni de cœur, ni d’esprit, ni de culture française“.

"Ce qui indigne l’auteur de ce livre, c'est que le phénomène extraordinaire qui se déroule, ce que nous appelons 'le grand remplacement', (...) ce changement de peuple, ne soit à aucun moment mentionné dans les médias," a fait valoir Renaud Camus sur Europe1. "Tout ça se passe dans un silence total, y compris celui de Stéphane Hessel", estime encore l'écrivain, qui indique que l'auteur du livre est "pour une immigration dans l’amour de la France, dans le respect de sa culture".

Au cœur de la nouvelle extrême-droite

L'auteur a choisi de ne pas révéler son identité. Mais lorsqu'on se rend sur le site Internet vanté en début et en fin d’ouvrage, le parti de l’In-nocence, on navigue, lien après lien, dans une galaxie de plus en plus identifiée et politisée. LeGaulois, Riposte Laïque, qui s’est associée au Bloc identitaire pour organiser des apéros saucisson vin, Fdesouche, etc : autant de sites Internet qui représentent le nouveau visage de l'extrême-droite. L’auteur est bien proche d’un mouvement de pensée qui renouvelle progressivement la doctrine du FN et qui va du libéralisme absolu inspiré par Friedrich Hayeck jusqu’au néo-régionalisme notamment incarné par Alsace D’Abord.

Sous couvert de réponse courtoise et respectueuse, dixit l'éditeur, J’y crois pas ! s’inscrit in fine dans la même catégorie que celle qu’il dénonce, celle des tracts politiques. Avec l’espoir d’éveiller la curiosité des 1,6 million de lecteur du premier ouvrage. La réponse a pour l’instant été éditée à 10.000 exemplaires.