Fin de vie : "J'ai appris à parler à un patient"

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Fabienne Cosnay , modifié à
TÉMOIGNAGES - Si des cours sont donnés aux étudiants en médecine sur le droit médical ou la posologie, les soins palliatifs sont quasiment inexistants du cursus universitaire.

Elles ont seulement quelques années d'écart. L'une vient de finir son internat en médecine et exerce à l'hôpital comme dermatologue, confrontée à des cancers de la peau. L'autre est étudiante en quatrième année à l'université Paris Descartes et alterne cours et stages. Valentia, 30 ans et Alix, 21 ans dressent le même constat : les étudiants en médecine ne sont pas bien formés à la délicate question de la fin de vie. 

Dans leur rapport rendu en décembre au chef de l'Etat, les députés Jean Leonetti et Alain Cleys pointaient précisément ces lacunes et appelaient à une meilleure formation des étudiants en médecine aux soins palliatifs. Proposition reprise, via un amendement UMP, dans la loi votée mercredi en première lecture à l'Assemblée.

"Mal formés, mal préparés". Aujourd'hui, la formation aux problématiques de fin de vie, qui varie d'une fac à une autre, reste très théorique. En première année, l'année du concours, les étudiants sont "sensibilisés" aux questions d'éthique via un cours de sciences humaines et sociales. "On ingurgite des phrases par cœur. La loi Leonetti est évoquée mais pas toujours comprise. On peut apprendre par cœur ce qu'autorise la loi, ça ne sert pas à grand-chose sans cas cliniques", estime Alix. "C'est du pur bachotage, il n'y a rien de concret", abonde Valentia, qui précise que cet enseignement est évalué via un QCM.

C'est en partant de ce constat qu'est née l'association Soigner dans la dignité, qui regroupe quelque 500 étudiants en médecine, dont Alix. "En parlant de nos stages entre nous, on s'est rendu compte qu'on était mal formés, mal préparés à ces questions", explique Alix.

Un stage obligatoire en soins palliatifs ? Pour les futurs médecins du collectif Soigner dans la dignité, deux choses "assez simples" pourraient être mises en place. "Pendant l'externat, entre la quatrième et la sixième année, chaque étudiant en médecine devrait obligatoirement passer par un service où il sera confronté à la mort (cancérologie, gériatrie, etc.) Des services où les questions de fin de vie se posent au quotidien", détaille Alix. Une fois passé le concours de l'internat, après la sixième année, "un stage en soins palliatifs devrait être obligatoire", poursuit l'étudiante en médecine.

Alix a approché la complexe question de la fin de vie alors qu'elle était aide-soignante dans un service de soins palliatifs, pendant les vacances d'été. "J'avais 19 ans. Ca a été mon premier contact avec la mort", confie l'étudiante à l'université Paris Descartes. Avec du recul, elle considère l'expérience comme enrichissante pour son avenir de futur médecin. "J'ai appris à parler à un patient, à lever les barrières, à rester dans une chambre sans rien dire, à prendre la main d'un malade", détaille la jeune femme.

"Tant qu'on n'y a pas été confronté …" Pour Valentia, il est illusoire de rêver à une formation parfaite. "Avant de passer l'internat, on est encore des bébés. On peut connaître les articles de loi et les doses de morphine mais c'est tout. C'est trop dur la fin de vie. Tant qu'on n'y a pas été confronté avec son premier patient, on ne sait pas ce que c'est", tranche celle qui était encore étudiante il y a moins d'un an.

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