Enseigne-t-on suffisamment la Shoah à l'école ?

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DÉBAT - 49% des jeunes Français ont le sentiment d’avoir des connaissances approfondies sur la Shoah, selon une enquête menée dans 31 pays. Ce chiffre reflète-t-il la réalité ? 

C’est une enquête internationale qui était présentée mercredi soir à Paris en amont du 70e anniversaire de la libération des camps nazis. Elle a été coordonnée par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et le think tank libéral Fondapol. Sur les 31 pays sondés, 47% des jeunes ont le sentiment d’avoir des connaissances approfondies sur l’extermination des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. En France, c’est à peine mieux : ils sont 49% à déclarer avoir une connaissance suffisante de la Shoah. 

Un chiffre qui peut paraître étonnant. Europe 1 a voulu confronter ce chiffre à la réalité du terrain en interrogeant deux professeurs et un spécialiste. 

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“Un chiffre surprenant”. Antoine est professeur d’histoire-géographie dans le Loiret. Pour lui, “ce chiffre est surprenant, il est faux de dire que les petits Français ne savent rien de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est impossible de passer au travers”. L’enseignant rappelle ainsi que la question de l'extermination des juifs est vue en CM2, en Troisième et en Première. 

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Les termes choisis. Antoine s’interroge plutôt sur le terme choisi, celui de “Shoah” : “c’est peut-être ce mot qui a posé problème. Il n’est pas forcément employé par les professeurs qui utilisent d’autres termes comme “extermination” ou “génocide”. L’enseignant questionne aussi l’appellation “connaissances approfondies” : “qu’est-ce que cela veut dire?” Il conclut : “c’est en tout cas l’un des sujets historiques dont on parle le plus”. 

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Environ une heure consacrée à la Shoah. Yves est lui enseignant en histoire-géographie dans la région parisienne. Il est beaucoup plus hésitant qu’Antoine sur cette question. “Nous consacrons une petite heure environ à la Shoah, c’est assez peu”. “Il faudrait plus de temps mais comme sur beaucoup d’autres sujets, les programmes sont très denses”, rappelle-t-il. 

Chronologie vs. Débat. Yves tient à insister sur un point : les nouveaux programmes posent un problème en terme de compréhension par les élèves. “En première, contrairement en troisième, on aborde la matière de manière thématique et non plus chronologique, cela conduit à une confusion dans les têtes des élèves entre la Première et la Seconde Guerre mondiale”, explique-t-il. “Du coup, le processus qui a a amené à la Shoah est mal cerné et pas bien compris par les élèves”. 

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“J’aurais trouvé douteux un chiffre à 75%”. Dominique Trimbur, responsable de l’enseignement de la Shoah à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, rejoint Yves sur cette question “thématique/chronologique” mais il nuance aussitôt : “les enseignants disent que cela ne les empêche pas de faire de la chronologie”. Lui trouve le chiffre de 49% plutôt honnête : “j’aurais trouvé douteux un chiffre à 75%”. Il explique que l’“on a en France un dispositif qui est suffisant sur l’enseignement de la Shoah même s’il y a toujours des choses à améliorer”. 

“Une éducation à la citoyenneté”. S’il trouve le niveau de connaissance des élèves sur la Shoah suffisant, Dominique Trimbur souhaite néanmoins que l’on crée maintenant “un impact entre cette connaissance historique et une éducation à la citoyenneté”. “Des choses sont, en, effet, a priori défaillantes”, dit-il en citant le refus de certains élèves de participer à la minute de silence en mémoire des victimes de Charlie Hebdo. “Nous contribuerons à cette réflexion, nous avons une vraie possibilité de repenser les choses concrètement”, conclut-il. 

>> Mardi 27 janvier, jour du 70ème anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau et journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, suivez les éditions Spéciales d’Europe 1 Matin et d’Europe 1 Soir avec Thomas Sotto et Nicolas Poincaré.