Corse: le témoignage sous X contre l'omerta ?

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avec Pierre de Cossette et AFP , modifié à
Le renforcement du témoignage anonyme peut-il briser la loi du silence en Corse ?

En Corse, cela se répète comme une évidence : untel serait membre d'un groupe criminel, adversaire de tel autre. Les réputations flottent dans l'air, comme pour entretenir le mythe du bandit corse. Mais lorsqu'il faut apporter des preuves, les choses se compliquent pour les policiers. Car si l'omerta n'est pas un mot corse, elle est belle et bien ancrée dans les mentalités de l'ile : sur les  17 assassinats recensés depuis le début de l'année, aucun coupable n'a été arrêté.

Pour briser cette loi du silence, les ministres de l'Intérieur et de la justice ont appelé jeudi les Corses à parler, en s'appuyant sur l'anonymat des témoignages. Mais le témoignage sous X peut-il vraiment sauver l'Ile de Beauté ?

Des gendarmes sur le lieu d'un assassinat en Corse.

"Si on sait, il faut parler, chacun doit prendre ses responsabilités", a martelé le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, jeudi, au lendemain de l'assassinat du président de la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) de Corse-du-Sud, Jacques Nacer.  Christiane Taubira lui a emboîté le pas, rappelant que le droit permettait "l'anonymat sur les témoignages". "Nous prenons toute disposition afin de protéger la réponse judiciaire, c'est-à-dire protéger tous ceux et celles qui peuvent concourir à la manifestation de la vérité", a poursuivi la ministre de la Justice.  

LA solution ? Pour Raphael Vallet, du syndicat de police SGP-FO, rompre la loi du silence relèverait du fantasme."Quand vous habitez un village où vous connaissez tout le monde, c'est difficile de parler sur son voisin", a rappelé le syndicaliste au micro d'Europe 1.

Paysage Corse

"Il ne faut pas rêver, les gens ne vont pas risquer leur vie, ils estiment que c'est notre travail.  Ils ne vont pas le faire à notre place", a-t-il poursuivi. " Si on leur demande de l'aide, il faut que nous, policiers, puissions leur apporter une aide maximale", a encore précisé Raphael Vallet. Mais une vraie protection des témoins est un dispositif intenable aux yeux d'autres policiers.

Alors que faire? Le sénateur radical de Corse-du-Sud, Nicolas Alfonsi, a estimé jeudi que les "techniques policières" étaient davantage susceptibles de lutter contre la criminalité en Corse qu'un quelconque "témoignage qui viendrait du ciel"."L'omerta, et je crois que Manuel Valls a plutôt tendance à s'orienter vers des techniques très raffinées, on la trouverait dans l'informatique, dans les marchés publics, dans les dépôts bancaires, dans les voitures de luxe", a-t-il ajouté.

Le sénateur s'est réjoui des propos tenus en Corse par le ministre de l'Intérieur.  "Il y a très longtemps que je n'avais pas entendu de la part d'un ministre de l'Intérieur un discours aussi fort", a-t-il dit.  Sur l'île, la tendance n'est pas à la critique des moyens annoncés. Mais comme l'a confié un magistrat à Europe 1, sur l'envoi de la vingtaine de policiers et de gendarmes supplémentaires, certains préféreraient que l'on fasse une plus grande confiance aux fonctionnaires corses qui connaissent l'ile et ses habitants, plutôt qu'à des policiers et des magistrats du continent, de passage pour quelques années.