L'INFO. A quoi ressemble le quotidien d'une jeune maman en prison ? La question est soulevée à l'occasion de la publication de l'avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans cet avis publié au Journal officiel, Jean-Marie Delarue estime que dans tous les cas, il est préférable d'éviter qu'un enfant passe ses premiers mois en prison. En effet, en l'absence d'aménagement de peine, certaines jeunes mamans détenues élèvent leurs enfants en prison et ce jusqu'à leurs 18 mois. C'est pour elles que le contrôleur des prisons a rendu un rapport visant à améliorer les conditions de détention des mères et de leurs enfants. Europe 1 fait le point.
Des enfants en prison, que dit la loi ? La loi française prévoit que les mères condamnées à de la prison ferme ont la possibilité d'être emprisonnées avec leurs enfants. C'est l'article 38 de loi pénitentiaire qui encadre ce droit. Le texte précise que les établissements pénitentiaires doivent assurer l'accompagnement social nécessaire au bien être des nouveau-nés. Actuellement, 29 établissements disposent d'espaces adaptés, appelés nurseries, pour accueillir les mères et leurs jeunes enfants. Ces derniers peuvent rester en prison avec leur mère jusqu'à l'âge de 18 mois. Les douze mois suivant, l'enfant peut passer de "courtes périodes" de relation avec sa mère. Au delà, c'est le régime normal des parloirs qui est appliqué.
Comment sont accueillis les enfants en prison ? Les espaces de nurserie doivent être séparés de la maison d'arrêt, de manière à ce que les nourrissons ne soient pas en contact avec les autres détenues. Dans son rapport, le contrôle des prisons constate pourtant qu'il existe encore "quelques établissements dans lesquels aucune séparation n'existe". Mais de manière générale, les établissements ont en effet mis en place des locaux spécialement aménagés. La prison fournit également aux mamans tout le matériel nécessaire : couches, crèmes pour enfant, vêtements, lait en poudre, jouets etc.
"Comment je peux imposer ça à mon enfant ?" A Fleury-Mérogis, cet espace se compose d'une salle de jeux, d'une cours de promenade à part, d'une salle avec des fauteuils pour que les mères puissent se retrouver et discuter. Cet espace est mis à leur disposition six heures par jour. Après 17h30, les mères de famille doivent regagner leur cellule de 11m² avec leur enfant.
>> Le témoignage d'Eva, jeune maman de 22 ans et détenue :
"C'est dans ces moments là que ça devient un peu dur et que l'on se dit qu'on aimerait bien que le papa soit là. En plus, l'enfermement… Comment je peux imposer ça à mon enfant ? Est-ce qu'un jour il se dira : 'pourquoi tu as fait ce choix de m'élever en prison ?' Mais je suis contente d'avoir fait ce choix, je ne me voyais pas le voir partir tout de suite après sa naissance", commente Eva au micro d'Europe 1. Si la nurserie de Fleury-Mérogis est sans doute ce qui se fait de mieux en France, la taille des cellules (13 au total) reste trop petite pour donner aux bébés un espace bien à eux.
Quel suivi pour les enfants ? Des puéricultrices sont chargées d'accompagner les mamans au quotidien pour leur donner des conseils et préparer les enfants à leur sortie de prison. Une démarche qui passe par la découverte du monde extérieur, explique Valérie Aouizrate, de l'Unite mobile mère-enfant. "Nous allons dans les magasins, les aires de jeux, les marchés parce qu'il y a des odeurs, des senteurs, il y a du monde, c'est très vivant. Les personnes âgées y sont assez nombreuses donc ce sont des personnes que les enfants ne rencontrent pas ici, ils ont des cheveux blancs, des rides, c'est une façon de voir la vie extérieure simplement", confie la puéricultrice interrogée par Europe 1.
"Elles doivent être punies comme les autres". Dans son rapport, le contrôleur des prisons demande purement et simplement une "suspension de peine pour les jeunes mères pour raison familiale". "Et après elles reprendront l’exécution de leur peine. Il ne s'agit pas de les décharger de leur dette", assure-t-il au micro d'Europe 1. Cette mesure concernerait ainsi "quelques dizaines de femmes détenues", détaille Jean-Marie Delarue. Selon lui, "demander que les jeunes mères soient bénéficiaires d'un régime assoupli ne revient pas du tout à dire qu'elles ne sont pas coupables". "Elles doivent être punies comme les autres auteurs d'infractions", insiste le contrôleur général des lieux de privation de liberté. "Cela demande relativement peu d'argent, c'est par conséquent à la portée du premier gouvernement venu. Nous espérons donc que le gouvernement actuel sera le premier gouvernement venu", conclut-il.