Applicables, les mesures de Sarkozy ?

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Fabienne Cosnay , modifié à
Ses annonces sur la déchéance de la nationalité sont en contradiction avec la Constitution.

Plusieurs mesures contre la délinquance ont été annoncées par Nicolas Sarkozy, vendredi, à Grenoble. Elles seront examinées en septembre dans le cadre du projet de loi sur la sécurité intérieure et dans celui sur l'immigration. Mais selon plusieurs juristes, certaines dispositions prévues par le chef de l'Etat sont, à l'heure actuelle, inapplicables puisque contraires à la Constitution. Explications.

Déchéance de la nationalité française

Ce que dit la loi actuelle. En France, la procédure de déchéance de la nationalité est extrêmement rare. Un Français peut se voir déchu de sa nationalité pour deux raisons : en cas de condamnation pour "atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation", ou pour terrorisme s'il s'est livré "au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France". Une procédure extrêmement rare.

Ce que veut Nicolas Sarkozy. Le président souhaite déchoir de la nationalité française "toute personne d'origine étrangère qui porterait volontairement atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme". Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux veut aller encore plus loin et propose d'étendre la déchéance de nationalité aux cas d'excision, de traite d'êtres humains ou d'"actes de délinquance grave".

Possible ? Impossible ? En prônant la déchéance de nationalité, le chef de l'Etat s'attaque à deux principes constitutionnels : le droit à la nationalité et le principe d'égalité devant la loi. Comme l'a rappelé l'ancien Garde des Sceaux, Robert Badinter, l'article 1er de la Constitution française indique que la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion".

Toujours sur le front de la nationalité française, le président veut que l'acquisition de citoyenneté pour un mineur délinquant ne soit plus automatique au moment de sa majorité. Une mesure a priori possible sans réforme de la Constitution.

Les peines planchers

Ce que dit la loi actuelle.Les peines planchers sont applicables aux récidivistes pour des crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. Concrètement, elles imposent au juge un minimum en-dessous duquel il ne peut pas en principe fixer la peine.

Ce que veut Nicolas Sarkozy. Le président veut étendre les peines plancher "à toutes les formes de violences aggravées", citant les agressions commises en bande, sur les personnes vulnérables, ou sur les dépositaires d'une autorité publique.

Possible ? Impossible ? "Rien n'interdit au Parlement d'élargir les peines planchers à des infractions qui ne concernent pas que les récidivistes. En effet, dans ce cas, il n'y aurait pas d'inégalités entre les délinquants" explique à Europe 1 l'avocat général Philippe Bilger.

Sanctions contre les forces de l'ordre

Ce que dit la loi actuelle. Les meurtres de policiers ou de gendarmes sont passibles de la réclusion à perpétuité assortie d'une peine de sûreté incompressible de 22 ans. Pour l'instant, la peine de sûreté de 30 ans n'est applicable qu'aux auteurs de meurtres d'enfants de moins de 15 ans accompagnés ou suivis de viols, torture, et barbarie.

Ce que veut Nicolas Sarkozy. Le président a annoncé vouloir instaurer "une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes". Une mesure déjà annoncée avec fracas, en mars dernier, après la mort d'un policier abattu par des membres présumés de l'ETA à Dammarie-les-Lys.

Possible ? Impossible ? Comme l'avait expliqué sur Europe 1 Christophe Régnard, représentant de l’Union syndicale des magistrats, "les peines automatiques sont interdites en France" parce qu’elles vont à l’encontre de l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui est elle-même incluse dans le préambule de la Constitution.