Adoptés, ils sont ensuite abandonnés

L'Assemblée va étudier un projet de loi pour faciliter l'adoption, alors que des familles, dans l'impasse, choisissent de placer leur enfant.
L'Assemblée va étudier un projet de loi pour faciliter l'adoption, alors que des familles, dans l'impasse, choisissent de placer leur enfant. © MAXPPP
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Marion Sauveur et Raphaële Schapira , modifié à
LA POLEMIQUE DU JOUR - Une loi doit être proposée jeudi aux députés pour faciliter l'adoption.

Il y a des adoptions qui se passent mal… à tel point que certaines peuvent mener à l'abandon. C'est pour éviter ces cas dramatiques qu'une proposition de loi sur l'adoption va être présentée jeudi devant l'Assemblée nationale. Il s'agit notamment de mieux prendre en charge les parents avant et après l'acte. Car les greffes qui ne prennent pas entre parents et enfants adoptifs sont souvent dues à une mauvaise préparation. Europe 1 a mené son enquête.

Adopté, il passe aux services sociaux

Le sujet est tabou. Car normalement une adoption est irrévocable. Mais certains parents craquent. Puisqu'ils ne peuvent pas reculer, la solution qui s'impose à eux, dans les cas les plus extrêmes, c'est de confier leur enfant à l'assistance publique. Il restera toutefois le leur.

Certains psychiatres, qui suivent des familles dans ce cas-là, parlent d'une adoption sur dix qui finit ainsi. En réalité, impossible de savoir combien d'enfants sont remis aux services sociaux, sur les 3.000 adoptions réalisées chaque année. Il n'y a pas de statistique.

Mais les spécialistes ont pointé du doigt un certain nombre de situations à risques. Pour le psychiatre Pierre Lévy-Soussan*, interrogé par Europe 1, la pire reste l'adoption humanitaire. Souvent faite dans l'urgence, elle ne permet pas aux enfants et aux parents de se préparer psychologiquement explique cet expert.

"Des parents et des enfants ne sont pas prêts"

Et puis, note le psychiatre, "il y a des parents qui ne sont pas assez prêts et qui n'ont pas les capacités d'être parents adoptifs. Tous les enfants ne sont pas adoptables et tous les couples ne peuvent pas adopter".

Cet échec, Jeanne Guitard* l'a vécu. Avec son mari, ils ont adopté une petite Colombienne de six ans. Mais l'adoption a tourné à l'enfer. "Dès la première rencontre, la petite a refusé de m'embrasser, de se serrer contre nous, de nous donner la main et elle refusait de se laver. On se posait des questions, mais on pensait que ça allait s'arranger", explique cette maman adoptive. En vain.

"Et à son arrivée en France, ça a été de pire en pire" :

Ils ont vécu six années horribles, avant de se tourner vers les services sociaux. "Pourtant, qu'est-ce qu'on s'est investis", se rappelle Jeanne. "La danse, le ski, on lui a appris le goût de la nature. Ca n'a servi à rien…", détaille-t-elle avec regrets. La jeune fille de 12 ans a été placée jusqu'à sa majorité. Et depuis, Jeanne et son mari n'ont plus de nouvelles d'elle.

Aujourd'hui, les associations et les médecins demandent un durcissement des conditions pour pouvoir adopter. En France aujourd'hui, le taux de refus pour un agrément est de 6% en moyenne. 26.000 sont donnés chaque année. Les professionnels estiment que le taux de rejet doit passer à 30%. Mais ce n'est pas à l'ordre du jour des candidats à la présidentielle.

*Pierre Lévy-Soussan, Destins de l'adoption, éditions Fayard.

*Jeanne Guitard, Un agrément pour l'enfer, éditions Persée