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Mathilde Durand
Il est parfois difficile de gérer ses émotions, ces signaux envoyés par le corps humain pour nous renseigner sur une situation vécue. Mais peut-on vraiment les maîtriser ? Dans "Sans Rendez-vous", Saverio Tomasella, docteur en psychologie, répond mardi à cinq questions autour de nos émotions.
ANALYSE

Les émotions surgissent en nous, sans parfois que nous arrivions à les comprendre, ni à les maîtriser. D'un point de vue neurobiologique, les émotions sont des signaux sensoriels envoyés par notre corps pour nous informer sur une situation vécue. Le terme renvoie au latin "movere" qui signifie mouvement. Car ces signaux "nous poussent à bouger", explique Saverio Tomasella, docteur en psychologie, auteur de l'ouvrage Lettre ouverte aux âmes sensibles qui veulent le rester, paru chez Larousse. Au micro d'Europe 1, dans l'émission "Sans Rendez-vous", il répond mardi après-midi à cinq questions autour de nos émotions.

Les émotions sont-elles utiles ?

Ces signaux sensoriels envoyés par notre corps sont évidemment très utiles. Il existe différentes sortes d'émotions, notamment des primaires, physiques. "Avoir faim, soif, envie d'uriner, avoir chaud ou froid…", énumère Saverio Tomasella. "Le but premier c'est la survie : faire ce qu'il faut pour manger, boire, se protéger, rester en vie. Puis après il s'agit de coopérer, entrer en convivialité avec nos semblables", explique le docteur.

"Le corps nous renseigne à travers des sensations, conscientes ou inconscientes, des aises ou des malaises pour se rendre compte de ce qu'on est en train de vivre", ajoute-t-il. En revanche, si nous avons tous des émotions primaires, ou physiques, certains êtres humains sont parfois dépourvus d'émotions sociales, telles que l'empathie, par exemple.

L'être humain a-t-il les mêmes émotions que les animaux ?  

La palette des émotions éprouvées différencie les êtres humains de la plupart des autres espèces animales. "Mais pas tous", nuance Saverio Tomasella. "Les animaux supérieurs, comme les dauphins, les éléphants, les baleines ou les grands singes ont un cerveau très proche du nôtre et vont donc ressentir des émotions très proches des nôtres, même s'ils ne peuvent pas les exprimer pas comme nous."

Néanmoins l'espèce humaine a une particularité. "Notre cerveau limbique, qui correspond au cerveau reptilien, émotionnel, est à maturité au moment de la naissance", explique le docteur en psychologique. "Le petit humain va ressentir toute la gamme des émotions. Il va découvrir d'autres émotions sociales, culturelles au fur et à mesure de sa croissance mais toutes les émotions de base, il peut les sentir dès le moment de sa naissance." L'environnement familial, culturel influence les émotions, surtout la manière dont la personne peut les vivre ou les exprimer.

Quelle est la différence entre une émotion et un sentiment ?

Entre les deux termes, la différence est le temps. "L'émotion va durer deux à trois minutes quand elle est brève, plusieurs heures si vraiment elle est très forte", explique Saverio Tomasella. "En revanche, le sentiment est durable. Par exemple, le sentiment amoureux, qui peut néanmoins avoir des hauts et des bas, peut durer toute une vie." A l'instar des sentiments de haine, de rancune ou encore de jalousie, qui peuvent également durer longtemps.

Peut-on réellement maîtriser ses émotions ? 

"On ne peut pas gérer des émotions puisqu'elles nous échappent : ce sont des signaux sensoriels qui viennent du système nerveux autonome", assure le docteur en psychologie. "Par définition, c'est un système qui échappe à la volonté."

Les émotions correspondent à un besoin physiologique, souligne également Saverio Tomasella. Ainsi, il faut être attentif aux sensations envoyées par le corps humain, sous peine d'"effets secondaires" indésirables. "On n'a pas intérêt à les garder trop longtemps", poursuit le docteur. "Certaines colères, tristesses ou peur peuvent dégénérer. Trop de tristesse peut conduire à la mélancolie, qui est une forme de dépression. La peur peut générer de l'anxiété."

L'auteur de Lettre ouverte aux âmes sensibles qui veulent le rester en profite pour répondre à une idée reçue venue des Etats-Unis, qu'il juge un peu "puritaine" : l'existence d'émotions négatives ou positives. Selon lui, toutes sont importantes puisqu'elles conduisent à un mouvement.  

Le plus important est donc d'accueillir l'émotion, d'en décrypter la nature et de prendre le temps de sentir ce qu'il se passe à l'intérieur de soi. "On peut se le dire à soi-même à voix haute", explique Saverio Tomasella. "Mais avant même parfois de pouvoir l'exprimer verbalement, on ferme les yeux, on écoute le trajet de l'émotion qui va se manifester par des sensations." Ces symptômes physiques sont connus de tous : de l'estomac noué à la gorge serrée. "Au bout d'un moment, ce trajet sensoriel de l'émotion s'arrête. Cela veut dire que le cerveau a traité l'émotion", poursuit-il.

La pensée positive est-elle un mythe ? 

"Il faut penser positif." Voici un mantra répété dans de nombreux magazines de psychologie ou ouvrages de développement personnel. Pour autant, le simple fait de se forcer à voir le bon côté des choses ne permet pas d'éviter les émotions difficiles. "Il vaut mieux penser dans des termes agréables, favorables que penser dans des termes destructeurs", concède Saverio Tomasella. Néanmoins, selon une étude suédoise, réalisée sur plusieurs mois auprès d'athlètes, les individus qui prennent le temps d'accueillir une émotion négative en fermant les yeux ou en se posant obtiennent de meilleurs résultats face au groupe qui contrecarrent ses émotions difficiles par des pensées positives. 

Aux Etats-Unis, rappelle le docteur en psychologie, de nombreuses études prouvent que 95% de la vie psychique est inconsciente. Ainsi, se forcer à penser positif aura peu d'impact sur les sensations envoyées par le corps humain.