Certains hypersensibles vont être très sensibles aux bruits. Photo d'illustration. 7:00
  • Copié
Antoine Terrel
Mardi sur Europe 1, Saverio Tomasella, docteur en psychologie, a abordé le thème de l'hypersensibilité, ce trait de caractère qui touche près de 30% de la population mais qui peut souvent être mal compris. Il conseille notamment aux parents d'enfants concernés d'en parler à leurs professeurs. 

Se manifestant par des signaux aussi divers qu'une grande réactivité émotionnelle, une forte sensibilité au stress ou au bruit, ou encore aux émotions des autres, l'hypersensibilité reste pourtant méconnue et souvent mal comprise par l'entourage des personnes concernées. Invité mardi de Sans rendez-vous sur Europe 1, Saverio Tomasella, docteur en psychologie, est revenu sur ce trait de caractère qui concerne près de 30% de la population en France et touche aussi bien les hommes que les femmes. 

Qu'est ce que l'hypersensibilité ? 

Auteur de L’hypersensibilité pour les nuls, Saverio Tomasella préfère toutefois employer le terme de sensibilité élevée. Cette sensibilité supérieure à la moyenne va se caractériser par "une très grande attention portée aux détails et une suractivation mentale, parce que la personne hautement sensible va décortiquer toutes les informations qu'elle reçoit et y être perméable, être très réceptive à toutes les informations, que ce soit au niveau sensoriel, émotionnel, intuitif et cognitif", explique le spécialiste. 

Cette sensibilité hautement élevée peut prendre plusieurs formes. "On peut avoir des formes de sensibilité élevée uniquement sensorielles, on va alors parler d'hyperesthésie", indique Saverio Tomasella, avec des personnes "très sensibles à la lumière, aux parfums, aux odeurs, à certaine saveurs, notamment épicées, au bruit, au toucher", le tout sans forcément être très émotives. Reste que, le plus souvent, poursuit l'invité d'Europe 1, cette hyperesthésie est tout de même "accompagnée d'une forte réactivité au stress et aux émotions". 

Selon les différentes études menées sur le sujet, la population hautement sensible est répartie en trois tiers, dit encore Saverio Tomasella : "Un tiers d'introvertis, un tiers d'extravertis, et un tiers de personnes introverties dans des situations où elles sont mal à l'aise, mais qui vont être extraverties en famille, avec les amis et les personnes qu'elles connaissent bien".

Est-ce handicapant ? 

Sur Europe 1, le docteur en psychologie insiste : l'hypersensibilité "n'est pas une maladie" et, le plus souvent, n'est pas handicapante. Cependant, "dans une société qui valorise peu la sensibilité, il y a des personnes qui vont mal la vivre, et se demander si elles sont anormales ou malades". Par ailleurs, les personnes supportant très mal le bruit ou la lumière "vont avoir du mal à vivre en ville ou dans un environnement bruyant", comme un open-space. 

Mais cette hypersensibilité peut-elle favoriser les addictions ? "Quand on n'arrive pas à exprimer ses émotions, ou qu'on vit dans un environnement pas favorable, on a tendance à trouver des expédients, des façons de vivre sa sensibilité", répond Saverio Tomasella. Certains vont donc trouver refuge dans le sport, se replier sur eux-mêmes, mais d'autres vont aussi recourir à la drogue et à l'alcool. 

D'où ça vient ? 

Mais comment expliquer l'apparition de cette hypersensibilité ? Est-ce inné ou dû à la génétique ? "Une piste génétique est étudiée depuis une dizaine d'années. Une étude dit qu'il y a un gène de l'utilisation de la sérotonine, qui aurait une branche différente pour les personnes hautement sensibles, et qui pourrait prédisposer à plus de dépression, d'anxiété, voire plus de tendance suicidaire", explique Saverio Tomasella.

Mais, ajoute-t-il, cette même étude nuance cette disposition génétique en insistant sur l'influence de l'environnement. Ainsi, "si l'enfant qui aurait ce type génétique grandit dans un environnement calme, encourageant, il ne va pas développer cette  tendance à l'anxiété. C'est surtout dans les environnements très stressants, comme les familles de misère, de violences, avec de l'alcoolisme, que l'enfant va développer cette tendance en grandissant". 

L'environnement au sein duquel l'enfant va grandir et l'éducation des parents vont donc jouer de façon significative sur l'apparition ou non de l'hypersensibilité. Enfin, les choses se jouent parfois encore plus tôt. "Tout ce qui est périnatal va jouer un rôle très important", dit Saverio Tomasella. 

Comment faire si mon enfant est hypersensible ? 

Il est conseillé d'évoquer l'hypersensibilité de son enfant à l'école. "Il est important de prévenir les enseignants, car cela donne les clés", insiste l'invité d'Europe 1, notamment car chaque enfant concerné va réagir de façon différente, nécessitant une réponse individualisée des enseignants. "L'enfant peut être hyperactif ou au contraire replié sur lui-même. Il peut avoir besoin de plus d'encouragements, et si l'enseignement est très dur, l'enfant risque de se braquer parce qu'il va avoir l'impression qu'il n'est pas accueilli tel qu'il est", note Saverio Tomasella. Par ailleurs, ces enfants, qui "perdent leurs moyens quand ils sont observés", vont avoir "besoin de plus de temps la première fois qu'ils font une tâche". D'où l'importance de prévenir les professeurs, qui pourront ainsi faire preuve de plus de patience. 

Et à la maison, certains comportements peuvent aider l'enfant à gérer sa forte sensibilité. Saverio Tomasella conseille ainsi aux parents de lui donner régulièrement à boire et d'insister sur leur présence si l'enfant a besoin d'aide pour accomplir une tâche. Enfin, alors que les enfants hautement sensibles ont besoin de faire régulièrement des pauses, une étude a notamment montré l'importance d'installer "un coin refuge", qui peut prendre la forme "d'une tente d'indien, d'un tapis avec des coussins", où l'enfant pourra aller "quand il est fatigué, contrarié, surexcité", conclut Saverio Tomasella.