Le téléphone portable est un nid à microbes, mais représente-t-il un réel danger ?

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Les mains sont le principal vecteur de transmission des maladies. © Ezequiel Sambresqui / AltoPress / PhotoAlto via AFP
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Mélanie Faure
Au sortir de la pandémie de coronavirus, l'hygiène occupe une place primordiale dans nos gestes du quotidien. Pendant des mois, les Français ont eu l'obligation de porter un masque pour se protéger, notamment des micro-gouttelettes dans l'air. Mais il n'y a pas que dans cet environnement que pullulent bactéries et autres microbes. Ils sont aussi sur certains objets, comme votre smartphone. Mais faut-il s'inquiéter pour autant ?

Dans la poche, entre les mains, sur le bureau, et même parfois dans le lit... Votre téléphone portable vous suit partout où vous allez. Et pour cause, du podomètre aux prévisions météo en passant par les réseaux sociaux, les informations ou encore les jeux, votre smartphone permet de faire de très nombreuses choses. Alors les Français s'en séparent de moins en moins, et le téléphone devient un objet de plus en plus intime, avec lequel on entretient un rapport presque charnel. Mais c'est oublier qu'en nous suivant parfois jusqu'aux toilettes, il est devenu un véritable nid à microbes.

Des micro-organismes et des virus

L'écran, la coque, le micro, voire le cordon pour le porter en bandoulière... Les surfaces où peuvent s'installer les bactéries ne manquent pas. Un smartphone est en moyenne recouvert de sept fois plus de bactéries qu'un siège de WC, selon une étude menée par la société britannique Initial Washroom Hygiene, spécialisée dans l'hygiène. "Il ne fait aucun doute que les WC sont plus propres que le téléphone portable", confirme de son côté à Europe 1 Chryslène Au, responsable du Laboratoire Méditerranéen de Microbiologie basé à Cabriès, près de Marseille.

"La différence, c'est que le nettoyage de la cuvette des toilettes est pleinement entré dans les mœurs." Mais pas celui de votre portable ? "On le tient à la main et on postillonne dessus quand on passe un coup de fil", décrypte-t-elle. "Votre téléphone vous accompagne aux WC, sur la table du repas au travail et à votre domicile à la fin de la journée. Et cela entraîne une accumulation de micro-organismes qui finissent sur vos mains." Mais quels sont-ils ?

Chryslène Au a mené des analyses sur les téléphones portables. Résultat ? Nos chers smartphones abritent les micro-organismes de notre microbiote : des Staphylocoques et des Corynébactéries pour la peau et des Streptocoques pour la bouche. Mais aussi des bactéries du sol, les Bacillus et les bactéries... des toilettes. On retrouve notamment l'Escherichia coli, bactérie intestinale retrouvée notamment dans les pizzas Buitoni en avril dernier, et des virus, comme les norovirus et rotavirus.

Des poignées de porte à la télécommande de la télévision, des bactéries omniprésentes

Le téléphone n'est pas le seul objet du quotidien porteur de bactéries. Il y a le badge au travail, qui va du sac au bureau, en passant par le plateau de la cantine. Le sac à main, qui voyage partout et transporte les objets du quotidien eux aussi porteurs de microbes. Les poignées de porte enclenchées par plusieurs personnes. Cette paire de lunettes de vue que vous portez toute la journée et ajustez régulièrement sur le nez en manipulant les branches. Cette télécommande de la télévision, que vous ne lâchez pas lorsque vous êtes couché, malade, à la maison. 

Puis il y a vos chaussures au pied, que vous n'enlevez pas lorsque vous rentrez chez vous et dont les semelles déversent tous types de bactéries pathogènes dans votre cocon familial. N'oubliez pas votre gourde, qui trône sur votre bureau au travail. "L'eau s'accumule et stagne", estime-t-elle. "La bouteille traîne et elle n'est jamais totalement vidée ni lavée, favorisant le développement de microbes." 

Et le portefeuille, qui s'avère être particulièrement sale pour... les hommes. "Les bactéries adorent l'humidité et la chaleur", détaille Chryslène Au. "Les hommes ont souvent leur portefeuille dans la poche, au contact de la chaleur de leur corps et cela favorise la propagation de micro-organismes." A l'intérieur, vos billets passés de main en main sont une autre définition de "l'argent sale". "Les pièces sont faites de cuivre et de nickel, qui tuent les micro-organismes", nuance Chryslène Au. Ainsi, ils ne survivent que quelques heures sur notre monnaie.

Les bonnes bactéries nous protègent

Mais pas de panique, les bactéries ne sont pas forcément à voir d'un mauvais œil. Le corps humain en est d'ailleurs lui-même composé - il en aurait presque autant que de cellules. C'est aussi ce que compose le microbiote humain. Les bonnes bactéries nous protègent des bactéries nocives et jouent sur notre santé et notre bien-être, créant ainsi un équilibre. "On ne peut pas vivre dans un environnement stérile", explique le Pr Le Monnier, chef du service de microbiologie clinique de l'hôpital Saint-Joseph à Paris.

Pour ce qui est de la transmission des bactéries via le toucher, le risque dépend du temps de contact, du temps de survie de la bactérie sur une surface inerte et de l'environnement de cette dernière, qui favorisera plus ou moins son développement. "L'essentiel est de réduire la charge bactérienne et de prévenir la transmission à partir des surfaces inertes, surtout celles que l'on partage, tels les téléphones portables, les écrans tactiles et les claviers d'ordinateur", analyse le microbiologiste." Quand on touche la barre du métro ou du bus, on ne sait pas qui a mis ses mains dessus auparavant, il faut être vigilant. Mais croyez-moi, il est préférable de ne pas savoir quels agents infectieux y sont nichés !"

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© PIXABAY/MELANIE FAURE POUR EUROPE 1

Se laver les mains régulièrement pour limiter les risques de transmission

Que faire pour réduire les risques ? La prévention de la transmission passe par une bonne hygiène, comme se laver régulièrement les mains. "L'homme met en moyenne les mains au visage et à la bouche une cinquantaine de fois par heure", souligne le Pr Le Monnier. Se laver les mains régulièrement, oui, mais pas trop pour ne pas affoler sa flore. "Un lavage trop fréquent peut anéantir nos armes naturelles", prévient Chryslène Au.

Et si l'idée de tout désinfecter vous vient à l'esprit, elle est à écarter. "Un nettoyage régulier est plus efficace qu'une désinfection", ponctuelle, assure la cheffe de laboratoire. "Quand on nettoie régulièrement, les bactéries n'ont pas le temps de s'accumuler, elles n'ont pas de matières riches et confortables pour s'y accrocher."

Et il faut redoubler de vigilance dans certains cas. Un environnement rempli de bactéries pathogènes favorise la contamination, particulièrement pour les personnes immunodéprimées, comme les femmes enceintes, les enfants et les malades, moins résistants face aux menaces. "Quand on est fatigué, on est plus vulnérable aussi", surenchérit Chryslène Au. "Une plaie représente un risque, tout comme le fait de manger un aliment comme une pomme sans s'être lavé les mains au préalable."

Dans le cas du téléphone, comment se débarrasser des microbes ? L'idéal est de le nettoyer, vitre comprise, avec une lingette désinfectante est l'idéal. "Si on observe les règles d'hygiène et qu'on prend l'habitude de le nettoyer, ça ne sera pas une source d'angoisse", estime Guilhem Royer, chercheur dans l’unité Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques à l’Institut Pasteur. "Finalement, notre téléphone est uniquement le reflet de notre hygiène", constate-t-il. Pour autant, votre téléphone est-il dangereux ? "Il ne faut pas le voir d'un mauvais œil : en dehors du milieu hospitalier, le portable représente un risque minime, sinon il serait sans cesse à l'origine d'épidémies", conclut le chercheur.