Grippe : doit-on obliger les soignants à se vacciner ?

Cette année, le vaccin contre la grippe ne protège en moyenne que dans 70 % des cas.
Cette année, le vaccin contre la grippe ne protège en moyenne que dans 70 % des cas. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Clémence Olivier
Les urgences sont sous tension depuis début janvier, dépassées par les nombreux cas de grippe. Les autorités sanitaires réfléchissent à rendre le vaccin contre ce virus obligatoire chez les soignants.

A peine lancée, la proposition fait débat. Alors que l'épidémie de grippe sévit en France, et que les hôpitaux sont "sous tension" - entendez engorgés - , Benoît Vallet, le directeur général de la santé, a expliqué mercredi réfléchir à rendre obligatoire le vaccin contre la grippe pour les professionnels soignants. Pour le directeur général de la santé, vacciner les soignants permettrait pourtant de limiter le risque de transmission du virus aux personnes les plus fragiles comme les personnes âgées.

Une faible couverture vaccinale. En France, entre 25 % et 30 % des soignants, parmi lesquels médecins, infirmiers, aide-soignants, se vaccinent chaque année, a-t-il précisé. Dans les maisons de retraite, ils ne sont que 22 % à être vaccinés, selon Santé publique France, l'agence nationale de santé publique.

Un vaccin, recommandé, mais pas obligatoire pour les soignants. Aujourd'hui, et contrairement au vaccin DTP (diphtérie, tétanos, poliomyélite), à celui contre l'hépatite B et contre la tuberculose (le BCG), la vaccination contre la grippe saisonnière n'est pas obligatoire pour les personnels de santé. Elle est seulement "recommandée". Un avis du Haut conseil de la santé publique (NDLR. Une instance chargée de conseiller le ministère de la Santé) rendu à l'automne 2016, évoque également "une forte recommandation", mais pas d'obligation. Cela n'a pas toujours été le cas. Jusqu'en 2006, les soignants devaient obligatoirement se vacciner contre la grippe saisonnière. 

"C'est un contre-feu". Pour les soignants cette "réflexion" n'est pas la première mesure à prendre au ministère de la Santé. "Ce n'est pas une hérésie", affirme Thierry Amouroux secrétaire général du SNPI Syndicat National des Professionnels Infirmiers, favorable à la vaccination obligatoire des soignants comme la plupart de ses confrères. "Mais cette proposition masque surtout un problème plus important. C'est un contre-feu de Marisol Touraine, la ministre de la Santé", ajoute-t-il. "A cause des suppressions de lits dans les hôpitaux et des fermetures des petits services d'urgence, certains patients doivent faire des dizaines de kilomètres pour se rendre à l'hôpital. Et l'attente sur place est beaucoup plus longue. Or, pour les personnes fragiles qui contractent la grippe, le temps est compté", assure-t-il.

Même son de cloche pour Nathalie Depoire, la présidente du syndicat d'infirmiers CNI, invitée mercredi sur Europe 1 : "La question urgente n'est pas l'obligation de vaccination. Il ne faut pas culpabiliser les soignants."

Un comportement non contaminant. "Les infirmiers ont déjà un comportement non contaminant. Ils se lavent les mains, ils portent des masques", ajoute le secrétaire général du SNPI.  

L'efficacité du vaccin en question. Son manque d'efficacité explique aussi le scepticisme des professionnels de santé. "Une protection contre la grippe est nécessaire de façon plus large. Mais la logique veut "que le vaccin soit plus efficace et mieux toléré", souligne Jacques Trévidic, président de la confédération des praticiens des hôpitaux. Cette année, le vaccin contre la grippe ne protège en moyenne que dans 70 % des cas. Et son efficacité chute à 40 % pour les personnes âgées qui ont un système immunitaire moins efficace.

 "Certains soignants ont attrapé la grippe alors qu'ils étaient vaccinés et refusent depuis de le faire. Ce que j'entends beaucoup c'est : 'si je dois l'avoir, je l'aurais'", constate Arlette Schuhler, présidente de la Fédération nationale des associations d'aides-soignants (FNASS).

Parmi les soignants, comme dans la population française, la défiance est de mise. "Les soignants sont comme la majorité de la population, ils évaluent les bénéfices et les risques d'un vaccin", précise Thierry Amouroux. "Ils s'interrogent. Si l'Etat a levé cette obligation de vaccination en 2006, pourquoi la remettre en place aujourd'hui".