Papier toilette 1:51
  • Copié
Mathilde Durand
Entre 3 et 5 millions de femmes seraient touchées par l'incontinence urinaire. Encore tabou, ce trouble peut se révéler très handicapant dans la vie quotidienne, perturbant la vie professionnelle, intime et sociale des patientes. Yannick Rouach, chirurgien urologue, fait le point dans Sans rendez-vous, sur Europe 1, pour déconstruire les idées reçues.
DÉCRYPTAGE

L'incontinence urinaire est un problème fréquent, qui touche environ 3 à 5 millions de femmes, selon les différentes études disponibles. Pourtant, il reste encore tabou pour de nombreuses patientes, de tous les âges. Pour mieux comprendre l'origine de ces fuites qui peuvent être très handicapantes, mais aussi comment les combattre, Yannick Rouach, docteur au sein de l'Hôpital privé d'Antony, dans les Hauts-de-Seine, fait le point sur les symptômes, les traitements et les idées reçues autour de l'incontinence urinaire.

Quels sont les différents types d'incontinence urinaire ?

Il y a globalement deux types d'incontinence urinaire : à l'effort ou par urgenturie. La première est plus fréquente chez les jeunes femmes. "Ce n'est pas rare de voir des femmes en consultation qui ont entre 30 et 40 ans", explique le docteur Yannick Rouach. Cette catégorie désigne le fait de perdre des urines lors d'un effort : marche rapide, sport, toux, éternuement. Ces fuites, qui correspondent à environ la moitié des consultations, sont liées à une "fatigue du périnée" : "les muscles du périnée qui sont sensés soutenir la vessie et le canal de l'urètre sont un peu relâchés", précise le médecin. "Au moment de l'effort, au lieu d'être soutenus par ces muscles, la vessie et l'urètre sont lâches."

L'incontinence urinaire par urgenturie correspond à des envies impérieuses et irrépressibles qui provoquent quelques fuites. La vessie est instable. "L'urgenturie est plutôt liée à des phénomènes de vieillissement, car le mécanisme neurologique de la vessie vieillit avec l'âge", explique Yannick Rouach. "Et à des phénomènes hormonaux : quand on est péri-ménopausé ou ménopausé on a moins d'hormones, la vessie se dérègle. Les envies sont un peu anarchiques et parfois irrépressibles."

L'incontinence peut également être mixte, c'est-à-dire associer les deux types de fuites urinaires évoquées ci-dessus. 

A partir de quand faut-il en parler ?

S'il peut arriver à chacun d'avoir ponctuellement des fuites urinaires, il est important d'en parler au moment où le problème devient récurrent, souligne l'urologue Yannick Rouach. "Si on commence à adapter son rythme de vie, ne plus vouloir sortir, courir, devoir porter des protections, il faut en parler", assure-t-il. 

"Plus tôt on consulte, mieux c'est. Les fuites urinaires quand elles sont débutantes, occasionnelles et pas trop impactantes dans la vie de tous les jours, on a le temps de les traiter et on peut le faire avec des 'petits moyens'", ajoute-t-il.

Comment se passe la pose du diagnostic ? 

"Le premier contact reste toujours le médecin traitant", explique Yannick Rouach. Le généraliste pourra ainsi réaliser les premiers examens et éliminer certaines hypothèses comme l'infection urinaire, qui entraîne parfois des fuites. Il oriente ensuite vers une consultation chez un urologue.

La consultation est une consultation de type gynécologique. Le médecin observe la trophicité du vagin, soit tous les mécanismes qui permettent la nutrition et la croissance d'un organe. Il vérifie ainsi l'hydratation, la présence d'hormones etc, mais également que la patiente ne présente pas les symptômes d'un prolapsus, une descente d'organes, qui peut également entraîner des fuites urinaires.

Cette consultation permet à l'urologue de différencier le type d'incontinence : urgenturie ou effort. Stabiliser la vessie est la première préoccupation. 

Pourquoi le sujet est-il encore tabou ?

Si ce trouble concerne des millions de personnes, des tous les âges, le sujet reste encore délicat à aborder. De nombreuses femmes pensent que l'incontinence urinaire est encore "un passage obligé". "Il y a des femmes qui n'auront jamais de problèmes, cela dépend des caractères individuels, des périnées plus ou moins toniques", répond Yannick Roach. "C'est très fréquent mais cela n'est pas 'normal'."

Il ne faut donc pas hésiter à consulter pour régler ces troubles qui peuvent bouleverser la vie quotidienne : professionnelle, sociale ou encore sexuelle. "C'est tabou parce que cela rappelle le vieillissement, ce sont des fonctions excrétoires : les selles, les urines, ce n'est pas sexy", déplore l'urologue. "C'est aussi tabou parce qu'on voit des publicités partout ou encore des linéaires dans les supermarchés de protections, donc on n'a l'impression que c'est normal".

Quels sont les traitements efficaces ? 

Pour les fuites urinaires à l'effort, le problème est musculaire. Le premier traitement efficace pour 60% des cas est donc une rééducation du périnée, chez un kinésithérapeute ou avec des exercices à réaliser à domicile. "Il y a des règles diététiques et d'hygiènes qui peuvent s'appliquer, mais si la kinésithérapie n'est pas efficace alors il n'y a pas de traitement médical", explique Yannick Roach.

Dans ce cas, il faut passer par une opération chirurgicale, mini-invasive, pratiquée depuis une vingtaine d'années et prise en charge par l'Assurance maladie. "Le principe c'est de soutenir le canal de l'urètre : on met en place une bandelette sous-urétrale, en tissu, sous anesthésie générale ou rachianesthésie [le bas du corps, ndlr]", explique le chirurgien-urologue. "On fait une petite incision dans le vagin, on glisse la bandelette. La femme se réveille, urine et rentre chez elle. C'est une procédure ambulatoire."

La vie quotidienne peut reprendre dès le lendemain et il faut compter trois semaines avant de reprendre une activité physique et sportive. Le taux de succès de cette intervention, lorsque les patientes sont bien sélectionnées car elles ne seront pas toutes éligibles à l'opération, est d'environ 95%. 

Dans les cas d'incontinence urinaire par urgenturie, des traitements locaux à base d'hormones permettent de stabiliser les vessie et ainsi de limiter les fuites.