Automédication : les pharmaciens ciblés

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avec Emilie Denètre , modifié à
L'association UFC Que-Choisir dénonce un manque flagrant de conseil de la part des pharmaciens.

Carton rouge pour les pharmacies françaises. L'UFC Que-Choisir a testé quelque 650 pharmacies dans toute la France. Résultat des courses : plus de la moitié des pharmaciens manquent à leur devoir de conseil, selon l'enquête publiée mardi par l'association de consommateurs.

Les pharmacies ne remplissent pas leur rôle

Pour réaliser son enquête, l'UFC Que-Choisir a prétexté un gros rhume et a demandé deux médicaments incompatibles : de l'aspirine et du Rhinuréflex. Les deux associés peuvent provoquer des ulcères et des hémorragies intestinales. Dans 50% des cas, le testeur n'a pas été prévenu de ces risques et a pu repartir avec ses deux boîtes de médicaments. Pire, l'Afssaps avait mis en garde contre la posologie maximale à respecter pour le Rhinureflex, et près de la moitié des pharmaciens visités se sont trompés dans leurs indications. Pour Alain Bazot, le président de l'UFC Que-Choisir, ce défaut de conseil est un problème de santé publique.

"Extrêmement préoccupant"

"Ce qui est problématique est le fait que ça n'ait pas été prescrit. Ça veut donc dire que vous n'avez pas vu de médecin", commente Alain Bazot, au micro d'Europe 1. "Donc vous êtes livré à vous-même. Et on est en droit de s'attendre à ce que l'homme de l'art, le pharmacien qui a fait des études, mette en avant sa première obligation : le conseil et surtout l'alerte, lorsque vous vous apprêtez à acheter puis consommer deux médicaments qui sont incompatibles. Avoir 50% de professionnels qui ne disent mot, c'est extrêmement préoccupant", s'alarme-t-il.

Ces chiffres sont toutefois contestés par le président de l'union des syndicats des pharmaciens d'officine, Gilles Bonnefon, qui affirme lundi sur Europe 1, que d'après l'enquête de l'UFC Que-Choisir, seuls 20% des professionnels avaient laissé des clients repartir avec les deux boîtes de médicaments.

Des prix extravagants

L'association alerte aussi sur les prix pratiqués par les pharmacies sur les médicaments délivrés sans ordonnance. Certes, conformément à la loi, leurs prix de vente sont libres, mais ils peuvent tout de même varier de un à quatre pour un même produit. Par exemple, une boîte d'aspirine vendue 1,30 euro dans une pharmacie peut coûter 4,95 euros dans une autre.

Ceci est d'autant plus alarmant quand on sait que l'automédication représente un tiers des dépenses en médicaments des Français et 12 % de leurs frais de santé, soit l'équivalent de quelque 2,1 milliards d’euros. 

Vers une libéralisation encadrée du secteur ?

L'UFC Que-Choisir s'inquiète donc des marges pratiquées par les pharmaciens sur ce type de médicaments, appelant même de ses vœux une libéralisation du marché. Pour l'association, si les grandes surfaces pouvaient vendre sous contrôle d'un pharmacien une partie de ces produits, comme cela se fait en Italie, les pharmaciens seraient bien obligés de baisser leurs prix.

Une telle mesure engendrerait pour les consommateurs une économie pouvant atteindre 16 % des dépenses de médicaments non remboursés, soit quelque 270 millions d’euros, affirme l'association de consommateurs. Avec une contrepartie limitée : la libéralisation entraînerait en effet une baisse des marges des pharmacies de 5 % au maximum et ne réduirait pas leur ­réseau. En revanche, elle permettrait ­d’accroître de 10 % le nombre de points de vente des médicaments sans ordonnance, selon l'UFC Que-Choisir.  Une mesure que Gilles Bonnefon, a fermement contestée lundi sur Europe 1, prônant une "sécurisation" plutôt qu'une libéralisation du secteur.