Vifs débats à l'Assemblée sur la définition des contenus haineux en ligne

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Laetitia Avia (LREM) est à l'origine de la proposition de loi contre les contenus haineux en ligne. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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avec AFP
Le gouvernement a notamment refusé d'élargir la définition des contenus haineux en ligne au négationnisme, arguant qu'il serait difficile pour les plateformes de faire respecter cet interdit "qui nécessite une lecture d'appréciation, une lecture de contextualisation".

Apologie de crime contre l'humanité, négationnisme, "agribashing", antisionisme... Des députés ont voulu étoffer dans la nuit de mercredi à jeudi la définition des contenus haineux en ligne ciblés par une proposition de loi LREM, ce qui a suscité de vifs débats à l'Assemblée. Les députés examinaient la mesure phare du texte porté par l'élue de Paris Laetitia Avia (LREM) qui consiste à obliger plateformes et moteurs de recherche à retirer les contenus "manifestement" illicites sous 24 heures, sous peine d'être condamnés à des amendes jusqu'à 1,25 million d'euros.

Cet article premier visait préalablement les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses. Le député Philippe Dunoyer (UDI-Indépendants) a obtenu d'étendre le champ d'application du texte à l'apologie des crimes contre l'humanité mais pas au négationnisme, ce qui a animé les discussions dans l'hémicycle. Il existe "une difficulté" à intégrer les actes de négation "parce que l'on est dans le cadre de dispositions qui nécessitent une lecture d'appréciation, une lecture de contextualisation... une lecture qui demande aux plateformes de ne pas juste appliquer", a expliqué Laetitia Avia. L'élue de Paris a indiqué avoir mené "un travail d'orfèvre" avec le Conseil d'Etat pour que le texte soit "conforme".

"Ce qui compte c'est le champ des infractions pénales [...] celles qui existent déjà", a renchéri la Garde des Sceaux Nicole Belloubet. "Comment pourrait-on admettre que l'on oublie quelqu'un qui nie l'existence des chambres à gaz ?", a grincé le socialiste Hervé Saulignac. "Donc si quelqu'un nie la Shoah ou le génocide arménien, il n'est pas concerné ?", a raillé François Pupponi (Libertés et territoires), en critiquant une rédaction qui "ne tient pas la route". L'élu de Sarcelles (Val-d'Oise) a ajouté que la loi Gayssot de 1990 réprime la contestation du génocide juif durant la seconde guerre mondiale.

Des amendements sur l'antisionisme rejetés

Marc Le Fur (LR) a lui tenté en vain d'ajouter dans le périmètre du texte "l'agribashing", comme notamment "la stigmatisation des activités agricoles" et "l'incitation à des actes d'intrusion et/ou de violence vis à vis des professionnels de l'agriculture, de l'élevage". "Vous allez créer deux catégories de violences, celles qui sont admises et celles qui ne sont pas tolérées", s'est insurgé l'élu des Côtes-d'Armor. Plusieurs amendements intégrant l'antisionisme, la haine de l'Etat d'Israël dans le champ du texte, ou débattant de la définition de l'antisémitisme, ont eux aussi été rejetés.

"Ce n'est jamais le lieu, jamais le moment! [...]", s'est agacé Meyer Habib (UDI-Indépendants) avant de quitter temporairement son fauteuil pour remettre à la ministre de la Justice un dossier rassemblant "les menaces de mort" qu'il a lui-même reçues "depuis le début de l'année". "Arrêtez de considérer que parce qu'on n'est pas d'accord avec vous on est insensible à l'antisémitisme ! C'est intolérable !", lui a lancé l'Insoumis Alexis Corbière. "Ce n'est pas au détour d'une loi comme ça que l'on peut faire évoluer le débat", a affirmé Stéphane Peu (PCF), alors qu'une proposition de résolution transpartisane pour une meilleure définition de l'antisémitisme doit être examinée à la rentrée.