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Barthélémy Philippe avec AFP , modifié à
À une semaine de la présentation publique de la réforme des retraites, Élisabeth Borne a affirmé que "l'âge de départ à la retraite à 65 ans n'est pas un totem". La Première ministre a également marteler que "nous n'irons pas au-delà des 43 années de cotisation. (...) Personne ne devra travailler 47, 48 ans."

Élisabeth Borne a temporisé à nouveau mardi sur le report de l'âge de départ à la retraite à 65 ans, dont elle ne veut pas faire "un totem" avant ses ultimes entretiens avec les partenaires sociaux sur la réforme controversée des retraites. À une semaine du dévoilement du projet de l'exécutif, la Première ministre a joué de nouveau la carte de l'ouverture. "On a porté les 65 ans" mais "ce n'est pas un totem", a-t-elle déclaré sur franceinfo, ajoutant étudier "d'autres solutions qui permettent d'atteindre notre objectif", à savoir "l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2030".

54% des Français sont défavorables à cette réforme

Le report de la présentation du texte du 15 décembre au 10 janvier a permis à la cheffe du gouvernement d'entendre à nouveau, avant Noël, les groupes politiques puis, cette semaine, les partenaires sociaux, avant le passage en Conseil des ministres le 23 janvier. Mais l'ensemble des syndicats et l'essentiel des oppositions contestent le projet de l'exécutif de reporter progressivement l'âge de départ de 62 à 65 ans, ou à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation.

Une majorité de Français s'oppose également à cette réforme, dans le contexte inflammable d'un pouvoir d'achat rogné par l'inflation. Mais Emmanuel Macron reste déterminé : "cette année sera celle d'une réforme des retraites" appliquée "dès la fin de l'été", a-t-il martelé samedi lors de ses vœux aux Français. Et la réforme, qui concernera les Français nés à partir du second semestre 1961, tiendra compte "des carrières longues, des carrières hachées, de la difficulté de certaines tâches", elle permettra "d'équilibrer le financement" du système et "d'améliorer la retraite minimale", avait fait valoir le chef de l'Etat.

L'exécutif espère au moins, grâce aux mesures sur la pénibilité, une "absence d'opposition frontale" de la CFDT, souligne un conseiller. Mais quelque 54% des Français sont défavorables à cette réforme, selon un sondage Harris-Interactive réalisé fin décembre et publié lundi. "Il n'y a que les retraités, les 65 ans et plus, qui se déclarent favorables", note Frédéric Dabi, directeur de l'institut Ifop.

Une réforme impossible ?

"Les Anglais ont l'Irlande, les Américains les armes. Nous, on a les retraites", glissait récemment à l'AFP, fataliste, Édouard Philippe. L'ancien Premier ministre a lui-même essuyé des manifestations contre son projet à points, finalement abandonné pour cause de Covid.

Élisabeth Borne espère néanmoins rallier Les Républicains, favorables à un report de l'âge. Elle doit à cet effet échanger par téléphone avec leur président Éric Ciotti, ainsi qu'avec les chefs de groupes à l'Assemblée Olivier Marleix et au Sénat Bruno Retailleau. Sans LR, le gouvernement, qui ne dispose que d'une majorité relative, serait obligé d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote.

Pour la première fois depuis 12 ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l'âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser. Y compris la CFDT, sur une ligne plus ferme depuis son dernier congrès. Toute "mesure d'âge" sera une "ligne rouge", a redit dans la Dépêche du Midi son patron Laurent Berger, qui plaide pour un relèvement de dix points du taux d'emploi des seniors pour combler le déficit.

Toujours désireuse d'amadouer la CFDT, Élisabeth Borne a aussi annoncé le retrait d'une partie controversée du décret sur l'assurance chômage annoncée le 23 décembre, qui avait provoqué la colère de M. Berger et des syndicats en général. Elle a dit aussi qu'elle ne se "posait pas la question dans (les) termes" d'une éventuelle démission si la réforme échouait.

"Enfumage", "mascarade", la gauche a vivement réagi à ses propos sur le recul de l'âge et sa volonté de trouver un "compromis" à l'Assemblée, tandis que plusieurs syndicats ont redit leur opposition à une réforme considérée comme "injuste". "65 ou 64 ans : décaler l'âge de départ à la retraite, c'est non. Ce n'est pas une question de 'totem', c'est une question de justice sociale", a déclaré le chef des députés PS Boris Vallaud sur Twitter.

La Première ministre "croit tellement au travail parlementaire qu'elle a déjà 10 49.3 à son actif. Quelle mascarade !", a ironisé Manuel Bompard, coordinateur de LFI. "Mme Borne fait l'éloge du dialogue et de la concertation. C'est beau. Question simple: s'engage-t-elle a ne pas recourir au 49-3 sur sa réforme des retraites ? Oui ou non ?", a demandé le communiste Ian Brossat.