Rencontre entre Philippe Martinez et Jean-Luc Mélenchon : une poignée de main pour un duel d’ego

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Hélène Jouan, cheffe du service politique d'Europe 1 , modifié à
Rencontre au sommet mercredi après-midi entre deux opposants à la politique d’Emmanuel Macron : Jean-Luc Mélenchon et Philippe Martinez. Deux hommes qui espèrent chacun prendre la tête de la grogne contre la réforme du Travail.

Depuis la fameuse poignée de main Trump-Macron du  25 mai, l’observation du serrage de ces dites poignées de main est devenue une spécialité journalistique à part entière ! Que regardera-t-on de la poignée de main entre le leader des Insoumis et le numéro un de la CGT ? Y verra-t-on une alliance se sceller ou une concurrence s’exprimer ?

Un mot d’abord sur l’histoire de cette rencontre : c’est Philippe Martinez qui cet été a envoyé un courrier à tous les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale pour leur proposer une rencontre. "Nous, on a répondu 'banco'", raconte-t-on du côté de la France Insoumise. Après avoir déjà vu les communistes, le syndicaliste revient donc à l’Assemblée mercredi avec une petite délégation, pour rencontrer Jean-Luc Mélenchon et le groupe des députés Insoumis. Sauf que l’entrevue entre les deux hommes intervient à un moment particulier, celui de la préparation de leurs deux manifestations contre la réforme du code du Travail.

Deux manifestations. Officiellement, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Martinez sont alliés. Plus il y aura de monde le 12 septembre, à l’appel de la CGT, plus il y aura de chance qu’il y en ait le 23, derrière la France Insoumise, plaide-t-on dans le camp mélenchoniste, mais chacun occupe son couloir : la défense des salariés pour le champ syndical, la mobilisation de toute la France anti-Macron pour le champ politique.

Mélenchon, premier visage de l'opposition ? Et c’est bien cela qui agace, plus encore, qui inquiète la CGT et l’ensemble des syndicats : la propension de Jean-Luc Mélenchon à vouloir passer au-dessus de leur tête. En appelant "le peuple à déferler sur Paris contre le coup d’Etat social de Macron", le fondateur de la France Insoumise entend prouver sa capacité à élargir son audience, à être le déclencheur d’une mobilisation qui réunirait toute la gauche, des syndicats aux partis en passant par les nouveaux déçus de Macron. "Welcome à tout le monde", ne cesse-t-il de répéter depuis quelques jours.

En cas de réussite, Jean-Luc Mélenchon apparaîtra comme le leader incontesté de l’opposition. C’est lui qui installera le face-à-face avec l’Elysée, au Parlement comme il l’a déjà fait, et dans la rue le cas échéant. Si les syndicats le suivent le 23 septembre, ils lui confèrent de fait ce statut-là. Et s’ils se montrent trop réticents à y aller, ils le laisseront engranger seul les bénéfices d’une éventuelle réussite. Dilemme.

Philippe Martinez affaibli par l'absence de front syndical. Le secrétaire général de la CGT se sait en situation de faiblesse face à ce politique qui cherche, quoi qu’il s’en défende à lui manger la laine sur le dos. Le front syndical est désuni au moins au sommet, la mobilisation intervient comme le veut la tradition, un jour de semaine, un mardi avec l’espoir qu’au moins les grèves, notamment celles des transports, aient un impact visible. Quand Jean-Luc Mélenchon a opportunément choisi un samedi pour maximiser ses chances de remplir à lui seul la place de la Bastille.

En serrant la main de Jean-Luc Mélenchon mercredi après-midi, Philippe Martinez comptera peut-être ses doigts, car il sait déjà que tout le monde fera le comparatif entre les deux mobilisations, et il subodore déjà qu’on est en train de lui piquer quelque chose.