Réforme de l'ISF : ces yachts qui font grincer des dents

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Les yachts et autres biens de luxe mobiliers ne sont pas concernés par le nouvel ISF préparé par l'exécutif. © VALERY HACHE / AFP
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M.B.
Des voix s'élèvent au sein de la majorité et proposent de "réfléchir" à retravailler le projet de budget 2018, afin d'imposer également les signes extérieurs de richesse.

Un "président des riches" dont la politique favoriserait d'abord les détenteurs de capital. La critique, venue de la gauche et adressée à Emmanuel Macron, n'est pas nouvelle. Mais elle prend plus d'importance encore alors que le budget 2018 vient d'être présenté en conseil des ministres cette semaine. De fait, le projet de loi de finances contient notamment une refonte de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Désormais, cet impôt se concentre sur la pierre plutôt que sur le capital, dans le but affiché de favoriser les investissements.

"Réfléchir à une réintégration". Mais dans les actifs mobiliers qui ne seraient plus soumis à l'IFI, on ne trouve pas seulement les actions, assurances-vie et produits financiers. Il y a également les biens de luxe, yachts, lingots d'or et chevaux de course. Ce qui fait bondir à gauche. Et commence à titiller la majorité.

"J'entends cette remarque sur les signes extérieurs de richesse", a ainsi concédé le nouveau sénateur de Paris LREM, Julien Bargeton, sur LCP et Public Sénat vendredi. "Le Parlement va travailler, il faut réfléchir à [leur] réintégration dans l'assiette de l'ISF." Et l'élu de préciser "qu'à titre personnel, [il] pense que le signal de la réintégration irait dans le bon sens".

"Des symboles de ce genre doivent être beaucoup plus taxés." Le rapporteur du budget à l'Assemblée, le radical de gauche (allié à LREM) Joël Giraud, n'a pas dit autre chose dans Le Parisien. "Je pense qu'il y a des choses à revoir" dans le budget 2018, a-t-il déclaré, avant de préciser sa pensée. "Les yachts, les jets privés, les chevaux de course, les voitures de luxe ou encore les lingots d'or ne sont plus pris en compte dans le nouvel impôt sur la fortune immobilière. Ce n'est pas possible ! Des symboles de ce genre doivent être beaucoup plus taxés." De fait, l'argument d'un capital réinvesti dans l'économie réelle ne fonctionne plus avec ces signes extérieurs de richesse. "Un yacht, c'est m'as-tu-vu, ce n'est pas productif pour l'économie."

L'exécutif "assume". Le Premier ministre, Edouard Philippe, n'était pourtant pas sur la même longueur d'onde jeudi soir, sur le plateau de L'Emission politique de France 2. "Vous avez parlé des yachts, des jets, vous auriez pu parler des montres, des bijoux… Je l'assume", a-t-il asséné. "Notre objectif, c'est de faire en sorte que le capital reste en France, et même d'attirer des gens, y compris des gens riches, en France."

Au sein de la majorité, les voix discordantes restent donc prudentes sur la marche à suivre pour infléchir le projet de budget. Et mettent en avant la sacro-sainte "co-construction" chère à LREM. "'C'est d'abord le groupe qui doit en discuter", a rappelé Julien Bargeton, écartant tout de suite l'idée d'une potentielle fronde au sein de la majorité. "Ni frondeur, ni godillot, il faut co-construire."

Le porte-parole, Christophe Castaner, s'était montré mercredi plutôt ouvert au dépôt d'amendements en ce sens sur le budget. "Evidemment, j'attends comme secrétaire d'Etat en charge des relations avec le Parlement de la vigilance, de l'expérience et du savoir-faire des parlementaires. Qu'ils puissent, quand ils vont identifier des angles morts, proposer des amendements, en débattre", a-t-il déclaré à l'issue du conseil des ministres. "Que les parlementaires trouvent les moyens de neutraliser une sorte d’organisation fiscale qui ne permettent pas justement de financer l'économie réelle, ils seront parfaitement dans leur rôle. Le gouvernement regardera cela de manière attentive et positive."