Présidentielle : en difficulté, Éric Zemmour franchit un pas de plus dans la radicalité

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Éric Zemmour a opté pour une radicalité encore plus exacerbée en proposant lundi soir un ministère de la "remigration". (Illustration) © SAMUEL BOIVIN / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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avec AFP , modifié à
S'il est élu, le candidat Reconquête! promet de "faire repartir un million" d'étrangers en cinq ans, grâce à des "charters", et de voir "avec les dirigeants de l'Algérie, du Maroc et de Tunisie comment on peut organiser cela". Il vise les "clandestins, délinquants et criminels étrangers et fichés S étrangers", et revendique une "mesure de cohérence et de fermeté".

En chute dans les sondages, le candidat d'extrême droite Éric Zemmour a opté pour une radicalité encore plus exacerbée en proposant lundi soir un ministère de la "remigration", concept sulfureux emprunté aux identitaires, dont certains sont présents dans son entourage. S'il est élu, le candidat Reconquête! promet de "faire repartir un million" d'étrangers en cinq ans, grâce à des "charters", et de voir "avec les dirigeants de l'Algérie, du Maroc et de Tunisie comment on peut organiser cela". Il vise les "clandestins, délinquants et criminels étrangers et fichés S étrangers", et revendique une "mesure de cohérence et de fermeté".

Seul candidat à la présidentielle à reprendre la théorie complotiste du "grand remplacement" supposé des populations européennes par les immigrés non européens, il endosse avec la "remigration" une nouvelle revendication de l'extrême droite radicale et de l'écrivain Renaud Camus. L'expression ne figurait pas dans son programme initial. Dans sa thèse sur le "mouvement identitaire", la chercheuse Marion Jacquet-Vaillant (Paris II) explique que le terme "remigration apparaît dès 2011 dans les réseaux identitaires, et de manière plus régulière à partir de 2014".

"Retour dans leurs pays d'origine d'une majorité des immigrés extra-européens"

Ces groupuscules d'extrême droite l'utilisent dans une acception plus large qu'Éric Zemmour, puisqu'ils prônent "le retour dans leurs pays d'origine d'une majorité des immigrés extra-européens", et pas seulement des étrangers. "En mars 2014, les Identitaires défilent derrière une banderole 'Immigration-Islamisation, Demain la Remigration' ; en juillet le magazine Identitaires propose un article intitulé 'Du Djihad à la remigration' ; le 15 novembre, ils organisent les Assises de la Remigration, une journée sous-titrée 'Du grand remplacement au grand retour'", décrit Marion Jacquet-Vaillant.

Participent à ce rendez-vous certains cadres de la campagne d'Éric Zemmour aujourd'hui, comme l'ancien du Bloc identitaire Damien Rieu, qui anime la cellule riposte numérique du candidat à la présidentielle, ou son conseiller, énarque et ancien mégrétiste, Jean-Yves Le Gallou.

"Ils partiront"

Plusieurs identitaires figurent dans son entourage. Thais d'Escufon, l'ancienne porte-parole de Génération Identitaire, groupuscule dissout en mars 2021 en raison de son activisme xénophobe, lui a manifesté son soutien. Grégoire Tingaud, ancien mégrétiste proche des identitaires, est chargé de coordonner les référents régionaux de Reconquête!. Et le journal Libération avait révélé le rôle de Tristan Mordrelle, proche des sphères néo-nazies, pour lever des fonds. Auprès d'Éric Zemmour, le transfuge du RN Stéphane Ravier avait proposé pour sa part la création d'un "Haut commissariat à la remigration", sans se faire taper sur les doigts par Marine Le Pen.

Et l'idée, sans l'usage de ce mot, était présente au Front national quand le parti de Jean-Marie Le Pen réclamait "l'inversion des flux migratoires" ou lançait des slogans tels que "quand nous arriverons, ils partiront". L'ancien polémiste de CNews reprend cette expression alors qu'il chute dans les sondages. À moins de trois semaines du premier tour, une enquête vient de le placer pour la première fois sous la barre des 10% d'intentions de vote, en cinquième position. Et il varie entre 9 et 13% selon les sondages, tandis que Marine Le Pen, donnée entre 16 et 20%, reste en deuxième position derrière Emmanuel Macron.

Maintien de sa stratégie de radicalité anti-immigration

"Ce sont des propositions démagogiques. Le ministère en charge de gérer l'immigration, ça s'appelle le ministère de l'Intérieur", a critiqué mardi sur France 2 le président par intérim du RN Jordan Bardella. Marine Le Pen n'envisage pas un tel ministère, mais prévoit d'expulser les mêmes catégories citées par Éric Zemmour : clandestins, délinquants et criminels étrangers et fichés S étrangers. Quand la candidate du RN parle "pouvoir d'achat", Éric Zemmour maintient sa stratégie de radicalité anti-immigration et d'ouverture de la "fenêtre d'Overton", du nom de l'inventeur de ce concept de la théorie du discours, qui rend acceptables dans l'opinion publique des théories qui ne l'étaient pas jusque-là.

En meeting à Metz vendredi, il s'est efforcé de remobiliser ses troupes "envers et contre tout", pointant du doigt Marine Le Pen, présentée comme "l'éternelle perdante" qui ferait la "courte échelle" à Emmanuel Macron. Dimanche prochain au Trocadéro à Paris, Éric Zemmour espère la venue de dizaines de milliers de personnes pour un meeting de plein air, afin de rassurer des partisans qui commencent à douter des chances de leur champion.