Pourquoi Dupont-Aignan hésite à appeler à voter Front national

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Nicolas Dupont-Aignan n'a pas encore donné de consigne de vote pour le second tour de la présidentielle. © Patrick KOVARIK / AFP
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En dépit des appels du pied du Front national, le leader de Debout La France, qui a récolté 4,70% des voix au premier tour de la présidentielle, n'a pas encore appelé à voter Marine Le Pen au second tour.

Dans un entre-deux tours de présidentielle, les silences en disent parfois aussi long que les mots. Celui de Jean-Luc Mélenchon, qui a refusé de dire ce qu'il choisirait de faire au second tour à titre personnel, a dérouté, voire agacé, une large part de la classe politique. Celui de Nicolas Dupont-Aignan commence à devenir pesant, d'autant plus qu'il s'ajoute à une communication verrouillée, voire cafouilleuse.

Dupont-Aignan prend son temps. Au premier tour, le candidat de Debout La France a tutoyé le seuil fatidique des 5%. Et promis de donner sa préférence entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen"en début de semaine". Lundi, un bureau puis un conseil national ont été réunis. Sans décision. Repoussée, elle devait être prise jeudi, avant que sa conférence de presse soit annulée le matin même. Jeudi après-midi, son entourage certifiait pourtant qu'aucune allocution n'avait jamais été prévue. Alors que plusieurs journalistes ont reçu un message d'une ancienne responsable de la communication de Nicolas Dupont-Aignan annonçant à la place de la conférence de presse une prise de parole à la télévision, l'information a été démentie par les attachés de presse toujours en poste.

Finalement, plusieurs journalistes ont annoncé que l'ex-candidat sortirait de son silence vendredi après-midi, après la réunion du Conseil national de Debout La France. "Aucun point presse n'est prévu", jure-t-on pourtant dans son équipe de campagne. "Il souhaite consulter les instances de son parti et se donnera quelques heures de réflexion. Il faut laisser du temps au temps."

" Il souhaite consulter les instances de son parti et se donnera quelques heures de réflexion. Il faut laisser du temps au temps. "

Proximité avec le FN. C'est que la position de l'ex-candidat n'est pas aisée. D'un point de vue strictement programmatique, le projet porté par Nicolas Dupont-Aignan est très proche de celui de Marine Le Pen. Souverainiste et eurosceptique, le leader de Debout La France défend aussi une limitation de l'immigration via des mesures comme la suppression de l'aide médicale d'état ou le durcissement des conditions du regroupement familial. Des dispositions qui figurent aussi, noir sur blanc, dans les 144 engagements de la candidate frontiste. Le choix entre elle et un candidat ouvertement pro-européen comme Emmanuel Macron devrait être vite fait.

Des cadres et des électeurs divisés. Seulement voilà. D'une part, tout le monde n'est pas d'accord pour appeler à voter Marine Le Pen au sein de Debout La France. "C'était très divisé, du 50-50" lors des réunions successives du bureau national et du conseil national du parti, lundi, raconte un membre de l'équipe de campagne à L'Opinion. Les électeurs de Nicolas Dupont-Aignan, eux non plus, ne tranchent pas nettement pour un candidat ou l'autre. Selon l'enquête "PrésiTrack" réalisée par l'Institut OpinionWay jeudi, 45% d'entre eux souhaitent voter pour Marine Le Pen. Mais 31% optent plutôt pour l'abstention, le vote blanc ou nul, tandis qu'Emmanuel Macron a la préférence de 24% d'entre eux. Nicolas Dupont-Aignan ne peut donc pas s'en remettre à eux pour faire un choix.

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Le risque de la satellisation. D'autre part, appeler à voter Marine Le Pen reviendrait, pour le candidat Debout La France, à abandonner ce qui, jusqu'ici, a toujours fait sa singularité : son indépendance. "Le rapprochement avec le FN, ça serait une perte d'autonomie et une satellisation", résumait ainsi Dominique Jamet, vice-président du parti depuis 2012, au Figaro lundi. "Notre autonomie est notre logique et notre honneur." Il y a cinq ans, Nicolas Dupont-Aignan avait d'ailleurs refusé de donner quelque consigne de vote que ce soit pour le second tour.

Flou artistique. Du côté du Front national, on hésite nettement moins. "On tend la main à Nicolas Dupont-Aignan, quasiment rien ne le sépare de nous", disait Florian Philippot, vice-président frontiste, dès lundi. "On a un partage de conviction totale." Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que bruissent les rumeurs de tractation entre le FN et Debout La France. Nicolas Dupont-Aignan, qui a longtemps dénoncé la présence de Jean-Marie Le Pen au sein du parti pour justifier qu'il ne s'en rapproche pas, ne peut plus mettre cet argument sur la table. Celui qui se réclame sans cesse du gaullisme aura sûrement noté les récents hommages répétés de Marine Le Pen au Général. Et continue donc d'entretenir un flou artistique sur ses intentions