Plusieurs droites pour une primaire

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Les candidats à la primaire de la droite jouent sur des tendances différentes au sein de leur formation politique. © AFP
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Les sept candidats qualifiés mercredi pour le scrutin pré-présidentielle misent chacun sur un créneau bien spécifique pour l'emporter et représenter la droite en 2017.

N'en déplaise à François Hollande, qui a, à plusieurs reprises, tenté de montrer que tous les prétendants à la primaire de la droite proposaient le même programme, la campagnea fait émerger des divergences parfois profondes entre les uns et les autres. Mercredi, la Haute autorité de la primaire a validé sept candidatures. Et autant, ou presque, de tendances différentes.

Fillon et Poisson, les catholiques conservateurs

Jean-Frédéric Poisson, seul candidat à n'être pas issu des Républicains mais du parti chrétien-démocrate, qui lui est affilié, se distingue d'abord par ses convictions conservatrices sur les thèmes sociétaux. Notamment la famille et le mariage homosexuel, ses deux chevaux de bataille. Pour la préservation de la première (il souhaite notamment rétablir l'universalité des allocations familiales) et l'abrogation du second, Jean-Frédéric Poisson s'adresse directement à un électorat catholique.

De tous les candidats LR, François Fillon (comme Hervé Mariton avant son éviction), est celui qui se rapproche le plus de ce positionnement. Sans parler d'abrogation, il souhaite la "réécriture" de la loi Taubira, et notamment des dispositions sur la filiation. Ce discours ferme, qui rencontre également beaucoup d'écho au sein de l'électorat catholique conservateur, lui a d'ailleurs valu le soutien public de Sens Commun. Au grand dam de Jean-Frédéric Poisson, qui aurait trouvé plus cohérent que l'association politique issue de la Manif pour Tous se rallie à lui.

S'ils se rejoignent sur les questions sociétales, le président du PCD et le député de Paris divergent en revanche sur l'économie. Le premier est bien moins libéral que le second, proposant par exemple l'instauration d'un revenu universel, ou désirant favoriser le dialogue social au niveau des branches plutôt qu'au niveau de l'entreprise. François Fillon, lui, préconise des baisses de dépenses importantes, à hauteur de 110 milliards d'euros, des suppressions de poste de fonctionnaires ou encore un allègement considérable du Code du Travail.

Sarkozy et Copé, héritiers de la droite bonapartiste

Ils ont beau se haïr, Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé ont beaucoup en commun, du moins en ce qui concerne leur conception du pouvoir présidentiel. Eux le souhaitent fort. Le maire de Meaux, qui en appelaient, lors de son discours de rentrée politique, à de Gaulle et Clemenceau, promet de gouverner par ordonnances, c'est-à-dire sans l'accord préalable du Parlement. Au pouvoir entre 2007 et 2012, l'ancien président a montré que, loin d'utiliser son Premier ministre comme un fusible, il était toujours en première ligne. Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé se rapprochent donc de ce que René Rémond, dans Les Droites en France, appelait la droite "bonapartiste", qui exalte volontiers un chef et l'exercice solitaire et autoritaire du pouvoir.

Sur les questions économiques et sociétales, les deux hommes sont aussi proches. Ils sont en croisade contre le port du voile et l'immigration massive et désireux de "libérer" les entreprises de leurs "charges". Et mettent l'accent sur la sécurité et la réforme d'une justice qu'ils jugent actuellement "laxiste".

Juppé et NKM, le clan des modérés

Quand Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé sont les représentants de la droite décomplexée, qui estiment qu'on ne combat le Front national qu'en se rapprochant de ses positions pour séduire les électeurs, Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet, eux, penchent plus vers le centre de la droite qu'à son extrême. "Je suis violemment modéré", résume le maire de Bordeaux à La Vie. Lors de sa rentrée politique, à Chatou, dans les Yvelines, il avait souligné vouloir "rassembler plutôt que chercher à cliver, rassembler plutôt que vouloir exclure ou stigmatiser, rassembler plutôt que d'exciter les surenchères". "L'identité et l'immigration ne doivent pas être l'alpha et l'oméga" du débat politique, estime quant à elle NKM.

Et au milieu, Le Maire

Difficile de classer Bruno Le Maire, candidat du renouveau, qui ne s'en plaindra d'ailleurs pas. Lui veut ouvrir une troisième voie, entre ceux que son soutien Damien Abad surnomme "le sosie de Donald Trump" (Nicolas Sarkozy donc) et "le faux frère de François Bayrou" (on aura reconnu Alain Juppé). Pour le député de l'Eure, l'ancien président tient "des paroles toujours plus brutales" et promet "le retour du Kärcher", tandis que l'ancien Premier ministre incarne "l'immobilité heureuse".

Lui cherche donc à concilier les deux dans un programme d'un millier de pages. Tenant un discours très ferme sur l'assistanat et très libéral économiquement, suppressions de centaines de milliers de postes de fonctionnaires à l'appui, Bruno Le Maire se veut également progressiste sur les questions sociétales et novateur dans sa vision de la politique. Ainsi, s'il ne le mentionne pas dans son pourtant (très) long projet, le député de l'Eure a indiqué à plusieurs reprises qu'il ne reviendrait pas sur le mariage homosexuel. Il s'était d'ailleurs abstenu lors du vote de la loi Taubira, position rare à droite. Et est toujours le premier à vouloir "faire de la politique autrement", notamment en obligeant les élus à démissionner de la haute fonction publique, en interdisant le cumul des mandats ou encore en prônant une plus grande transparence.