Marine Le Pen a assuré qu'elle "republierait" ces images, si c'était à refaire. 1:45
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avec AFP , modifié à
Le parquet de Nanterre a requis mercredi 5.000 euros d'amende contre Marine Le Pen et Gilbert Collard, tous les deux jugés pour avoir diffusé des photos d'exactions de l'Etat islamique sur les réseaux sociaux, en 2015. La présidente du Rassemblement national dénonce un "procès politique" contre son mouvement.

Le parquet de Nanterre a requis mercredi 5.000 euros d'amende contre Marine Le Pen et Gilbert Collard, tous deux jugés pour avoir diffusé des photos d'exactions de l'Etat islamique (EI) sur les réseaux sociaux en 2015. A la barre, la présidente du Rassemblement national a brandi sa "liberté d'expression et d'information", tandis que l'eurodéputé RN a notamment affirmé être "un ennemi de Daech".

Marine Le Pen et Gilbert Collard étaient jugés pour diffusion de messages violents ou portants gravement atteinte à la dignité humaine, susceptibles d'être vus par un mineur, une infraction passible de trois ans de prison et 75.000 euros d'amende. "Ils avaient parfaitement le droit de diffuser ces images, le problème est de s'assurer, avant la diffusion, qu'aucun mineur n'est susceptible de voir ou de percevoir ces images", a expliqué le procureur Jean-Pascal Oualid dans ses réquisitions.

Des tweets publiés quelques semaines après les attentats de novembre 2015

"Est-ce qu'il y a un bouton rouge 'spécial mineurs' à appuyer ?", a ironisé Rodolphe Bosselut, avocat de Marine Le Pen. Ce sont "des photos de notoriété publique, à la disposition de tous, et sans doute des mineurs, sans que Marine Le Pen ait besoin de les retweeter", a-t-il souligné, demandant la relaxe de sa cliente. En cause: des tweets publiés en décembre 2015, quelques semaines à peine après les attentats revendiqués par l'EI à Paris et en Seine-Saint-Denis.

"Réalité des crimes"

Dans une France traumatisée par les attentats, Marine Le Pen avait relayé trois photos d'exactions du groupe jihadiste en y ajoutant les mots: "Daesh, c'est ça!", en réponse au journaliste Jean-Jacques Bourdin qu'elle accusait d'avoir "comparé" l'EI et le Front national lors d'une émission.

Jean-Jacques Bourdin "a fait une comparaison entre le RN (ex Front national) et Daesh en disant qu'il y a une 'communauté d'esprit' entre le RN et Daesh", a déclaré à la barre Marine Le Pen, dénonçant "une banalisation et une minorisation inadmissible des crimes contre l'humanité (...) qui sont le fait de ce gang d'assassins prénommé Daech". "J'ai donc rappelé directement sur Twitter M. Bourdin à la raison par deux tweets", a-t-elle raconté. Les photos montraient un soldat syrien écrasé vivant sous les chenilles d'un char, un pilote jordanien brûlé vif dans une cage et le corps décapité du journaliste américain James Foley, la tête posée sur le dos.

Des photographies "issues de la propagande de l'Etat islamique"

De son côté, Gilbert Collard, alors député du Gard, avait relayé le même jour sur ses comptes Facebook et Twitter la photo d'un homme gisant au sol, le crâne défoncé, avec ce commentaire : "Bourdin compare le FN à Daesh : le poids des mots et le choc des bobos!". Des photographies "non floutées" et "toutes issues de la propagande de l'Etat islamique", a souligné la présidente de la chambre.

"C'est la réalité de la barbarie, on peut faire la politique de l'autruche, mais ces images avec leur violence nous mettaient en face de la réalité du crime et rappelait la stupidité de la comparaison faite" par Jean-Jacques Bourdin, a plaidé Me Dassa, autre conseil de Marine Le Pen.

"Caractère prosélyte ?"

"Estimez-vous que ces photos portent atteinte à la dignité humaine ?", a également demandé la présidente aux deux prévenus. "Non", a répondu Gilbert Collard. "Si un abruti nie la Shoah, je suis parfaitement capable de lui sortir des photos de camps de concentration". "C'est le crime qui porte atteinte à la dignité humaine, ce n'est pas sa reproduction photographique", a abondé Marine Le Pen, se défendant à la barre comme dans une arène politique, s'adressant à la présidente mais aussi aux journalistes.

"Aviez-vous conscience qu'un public mineur était susceptible de voir ?" les tweets, a alors repris la présidente. "Je n'ai véritablement pas pensé à ça. J'ai pensé à la liberté qui est la mienne d'expression et d'information", a répondu Marine Le Pen. "Et vous n'aviez pas peur que ces photos aient un caractère prosélyte, incitatif ?", a renchéri la présidente. "Pour moi, ces photos sont épouvantablement choquantes et par conséquent elles provoquent le dégoût, le rejet, et pas l'adhésion", s'est-elle encore défendue. "Je crois que nous étions confrontés à un détournement sauvage de procédure. Le parquet s'est déshonoré pour tenter d'empêcher la liberté d'expression et presque la légitime défense dans cette affaire que l'élue que je suis", a-t-elle également déclaré aux journalistes.  

Avant d'entrer dans la salle d'audience, Marine Le Pen a dénoncé auprès de la presse un "procès politique" contre son mouvement. Elle a aussi assuré qu'elle "republierait" ces images, si c'était à refaire défendant "sa liberté d'expression". Le jugement a été mis en délibéré au 4 mai.