Pass sanitaire : bras de fer entre le gouvernement et le Sénat

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L'opposition devient frontale entre les sénateurs et le gouvernement sur la prolongation de la possibilité de recourir au pass sanitaire. Les premiers ne veulent pas donner un "blanc-seing" au second, tandis que le second est déterminé "à retenir comme horizon le mois de juillet 2022".

Un bras de fer s'est engagé jeudi entre le Sénat, dominé par l'opposition de droite, et le gouvernement sur la prolongation de la possibilité de recourir au pass sanitaire et autres mesures de freinage contre l'épidémie de Covid-19.

Un gouvernement déterminé "à retenir comme horizon le mois de juillet 2022"

D'un côté, le gouvernement "est déterminé à retenir comme horizon le mois de juillet 2022", a affirmé la ministre Brigitte Bourguignon à l'ouverture de l'examen en première lecture du projet de loi portant "diverses dispositions de vigilance sanitaire". De l'autre, le Sénat qui refuse de donner "un blanc-seing" au gouvernement. Les sénateurs ont ainsi largement réécrit en commission le texte adopté en première lecture la semaine dernière à l'Assemblée nationale, à l'issue de débats agités.

Un Sénat qui fixe comme limite le 28 février

Une fois le texte voté au Sénat, avec ses modifications, députés et sénateurs tenteront de s'accorder la semaine prochaine sur une version commune en commission mixte paritaire. En cas d'échec, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. En attendant, au nom d'"une exigence démocratique fondamentale", les sénateurs ont ramené l'échéance du 31 juillet au 28 février, date de suspension prévue des travaux parlementaires avant les échéances électorales. Le rapporteur LR Philippe Bas considère que "trois mois et demi ça va, huit mois et demi c'est trop".

À charge au gouvernement de revenir devant le Parlement pour poursuivre au-delà, si la situation sanitaire l'exigeait. "Nous savons très bien dès à présent qu'il nous faudra vivre avec le virus au moins jusqu'à l'été", a argumenté Mme Bourguignon, soulignant que la période hivernale sera "propice à une aggravation de la situation". "Le gouvernement nous dit 'on va enjamber les présidentielles et on repassera devant le Parlement'. Non. On donne au gouvernement un certain nombre de pouvoirs sur nos libertés, on veut le contrôle du Parlement", affirme le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau.

"C'est un marqueur du Sénat", renchérit le président du groupe centriste Hervé Marseille, qui souligne les inconnues de l'après élections : "quel président ? quels ministres ? quelle majorité ?". À gauche, le patron des sénateurs PS Patrick Kanner reproche aussi à l'exécutif "sa logique de concentration du pouvoir". La ministre chargée de l'Autonomie a elle affirmé que le rapport prévu par le gouvernement pour la mi-février "permettra de disposer d'une clause de revoyure au Parlement", alors que pour les sénateurs un débat sur un rapport ne peut pas remplacer le vote d'un texte de loi.

Un refus de territorialisé le pass sanitaire

Brigitte Bourguignon a encore opposé une fin de non-recevoir à la "territorialisation" du pass sanitaire, proposée par le rapporteur, qui fait débat au sein même de la majorité sénatoriale. "Nous proposons que le pass sanitaire soit mis en voie d'extinction", a indiqué Philippe Bas : on ne pourrait plus y avoir recours dans les départements qui auront, au 15 novembre, plus de 75% de leur population vaccinée (soit à peu près 90% des plus de 12 ans).

"Là où on est bien protégés, n'appliquons pas des contraintes disproportionnées", avait-il défendu un peu plus tôt sur Public Sénat, plaidant en outre pour une application du pass "un peu à géométrie variable" dans les départements où il serait maintenu : obligatoire à l'entrée des cafés et restaurants, "pas utile" dans les cinémas, théâtres et concerts "où vous pouvez garder le masque". "Il faut commencer à envisager les conditions pour en sortir", abonde Bruno Retailleau.

À gauche, les socialistes proposeront d'aller plus loin, estimant que le pass sanitaire "n'a plus de raison d'être en métropole", selon Marie-Pierre de La Gontrie. Le ministre de la Santé Olivier Véran estime, lui, ne pas avoir "suffisamment de recul à ce stade" pour se "priver d'un outil qui est fonctionnel" et "très bien accepté par les gens".