Monique Rabin : en arrivant à l'Assemblée, "on déchante très vite"

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A.H. , modifié à
Après un mandat de cinq ans, la députée socialiste Monique Rabin quitte l'Assemblée nationale. Elle raconte son désarroi face à une mission qu'elle idéalisait pourtant.
INTERVIEW

Il y a cinq ans, Monique Rabin a fait ses premiers pas à l'Assemblée nationale, après avoir été élue dans la 9e circonscription de Loire-Atlantique. Dimanche dernier, la députée socialiste a été battue au premier tour. Aujourd'hui, elle dresse le bilan de son mandat, et fait la liste des difficultés auxquelles elle a dû faire face.

"Désarroi". Car si en entrant pour la première fois au Palais Bourbon, elle a ressenti "beaucoup d'honneur et d'émotion" - "c'est le cœur de la démocratie, c'est normalement là que se décide l'avenir de la France", dit-elle - Monique Rabin a très vite connu "le désarroi". "Très rapidement, on déchante", lâche-t-elle, vendredi matin, sur Europe 1. "Quand vous arrivez, vous avez envie de refaire le monde. Vous croyez tellement en votre action politique (…) Mais pour le député de base, c'est très difficile. Et je le dis avec beaucoup d'humilité : il m'a fallu deux ans et demi, trois ans, pour être une parlementaire qui comprend les relations de pouvoir, qui comprenne là où il fallait agir pour pouvoir produire un rapport, s'exprimer et être entendue", confie-t-elle.

"Très difficile quand on n'est pas un apparatchik". "Il n'y a pas de formation. On ne vous accompagne pas dans la maison, il n'y a pas de tuteur, pas de parrain", déplore la socialiste. "Vous allez déjeuner avec le président du groupe dans les trois mois de votre installation, mais il est clair que ça ne suffit pas pour exercer réellement, correctement son mandat (…) Celui qui arrive, qui n'est pas apparatchik d'un parti, qui n'est pas parisien, qui arrive de sa circonscription… Il ne peut pas être efficace dès le premier jour", assure-t-elle. Monique Rabin en veut pour preuve sa première séance dans l'hémicycle, où 28 nouveaux députés - dont elle - n'ont pas pu voter… car ils ne savaient tout bonnement pas comment faire.

Résister à la pression des lobbies. Pour Monique Rabin, ceux qui s'inquiètent de voir une vague de néophytes débarquer à l'Assemblée nationale "ont bien raison". "Il nous faut potentialiser nos acquis, c'est ce que je voulais faire pour les cinq ans à venir", glisse-t-elle avec regret. La députée sortante se soucie notamment du poids de lobbies sur ces futurs parlementaires, peu ou pas habitués à ce genre de pratiques. "On nous propose des colloques, des déjeuners avec des personnalités extraordinaires. Il faut tout de suite comprendre que le repas, il y a bien quelqu'un qui le paie. Rien n'est gratuit. Si vous n'en avez pas conscience, vous pourriez participer à l'élaboration d’une loi que vous n'auriez jamais élaborée", explique-t-elle. "Quand on est parlementaire, c'est un honneur immense, mais il faut garder sa liberté. Même si vous êtes député En Marche!, vous avez le droit d’être libre".