Fouquet's, mariage gay, campagne de 2012 : Sarkozy confesse ses erreurs dans un livre

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Aurélie Herbemont avec Margaux Baralon , modifié à
MOI, PRÉSIDENT - Affaire Bygmalion, erreurs politiques et médiatiques... L'ancien chef de l'Etat fait le bilan dans La France pour la vie qu'Europe 1 a pu lire avant sa sortie.

Il ne sera en librairie que lundi, mais notre journaliste l'a déjà lu. La France pour la vie, le livre très attendu de Nicolas Sarkozy, propose une introspection sur ses dernières années, de la victoire en 2007 à ses nouveaux projets en passant par l'épisode du "Casse toi pauv' con", le discours de Grenoble ou la défaite de 2012. Il confesse des erreurs, se défend de toute implication dans l'affaire Bygmalion et brosse un portrait peu flatteur de François Hollande.

Découvrez les phrases fortes d'un livre qui a déjà commencé à faire parler

• Le Fouquet's et le yacht de Bolloré

Le soir de son élection, Nicolas Sarkozy avait célébré sa victoire au Fouquet's, sur les Champs-Elysées. Peu après, il était parti en vacances sur le bateau de luxe de l'industriel breton Vincent Bolloré. Deux épisodes qui avaient suscité de nombreuses critiques sur son train de vie "bling-bling". "Là fut ma grande erreur", écrit-il à propos du Fouquet's. "Je n'ai pas mesuré la portée symbolique de ce lieu et ne m'en suis donc pas expliqué à temps." Ce n'est pas la première fois que l'ancien chef de l'Etat regrette cet épisode. Il l'avait déjà fait en 2012, lors d'un entretien à France 2. 

Quant au yacht de Vincent Bolloré, là encore, Nicolas Sarkozy reconnaît qu'il s'agissait d'une "erreur de jugement incontestable". "J'ai pensé à tort que cinq jours sur le bateau d'un ami serait utile au sauvetage de mon couple. Bien mal m'en a pris, ce fut un cauchemar personnel autant que médiatique."

• Sa politique économique

Nicolas Sarkozy avait promis un inventaire, le voilà. L'ancien président "regrette d’avoir retardé des réformes qui auraient dû être engagées dès les premiers jours de [son] quinquennat". "J'ai mis en œuvre la TVA sociale trop tard", précise t-il. Ses principaux regrets portent sur des réformes économiques. "Les mesures fiscales votées au début de mon quinquennat auraient dû être différentes dans leur dosage". "A choisir, entre la suppression de la taxe professionnelle, qui s'est révélée très lourde et d’une rare complexité, et la baisse des charges sur les salaires, j'aurais dû mettre la priorité sur la seconde". Nicolas Sarkozy reconnaît également avoir "contourné" deux sujets : "les 35 heures et l’ISF". Et considère le RSA, qui "devait être un tremplin vers la formation et l'emploi, pas seulement une prestation sociale", comme un "échec". 

• Le salon de l'agriculture

Resté dans les annales, le "Casse-toi pauvre con" lancé à un visiteur impoli du Salon de l'Agriculture est considéré comme un "grand tort" par Nicolas Sarkozy. "J'ai cédé à la provocation en répondant à l’individu qui m’avait insulté (...) J'ai abaissé la fonction présidentielle". L'ancien chef de l'Etat parle d'une "bêtise" qu'il "regrette encore aujourd'hui", d'une réaction "humaine" mais "inappropriée". "J'ai appris à mes dépens qu’avoir du caractère n’autorise pas tout."

• Le discours de Grenoble

Dans cette allocution sur l'immigration, prononcée en 2010, Nicolas Sarkozy avait sorti l'artillerie lourde, fustigeant l'échec du modèle d'intégration français et esquissant un nouveau tour de vis sécuritaire. "Je n'ai gardé le souvenir d'aucun propos outrancier", estime-t-il aujourd'hui. "Je n'avais pas vraiment conscience de lire un brûlot. C'est peu dire que le réveil fut brutal (…) On pouvait parfaitement être en désaccord avec moi, mais pas de façon si outrancière." L'ancien président persiste et signe : "Mon intuition était la bonne." Mais, échaudé par les vives critiques, notamment celles de son propre Premier ministre, François Fillon, il a commencé "à biaiser", "à trouver des compromis, d'une certaine façon à reculer". "Alors qu'il aurait fallu que j'aille plus loin, j'ai commis l'erreur de ralentir."

L'ancien chef de l'Etat tient le même discours sur son bilan sécuritaire global. "La délinquance avait baissé", se félicite-t-il. "Mais innombrables étaient les français qui attendaient une reprise en main plus forte et plus visible dans certains quartiers."

• Les réformes de l'Education nationale

"J'ai commis l'erreur de vouloir réformer en partant des enfants", écrit Nicolas Sarkozy. "C'était sans doute louable, plein de bonnes intentions, mais cela s'est révélé une erreur." Sous son quinquennat, outre des suppressions de postes, l'Education nationale a été marquée par une réforme très contestée de la formation des enseignants (la "masterisation"). "Il faut d'abord s'intéresser aux professeurs, et donc à leur statut, leur rémunération, leurs heures de présence dans l'établissement", estime aujourd'hui l'ancien président.

• La culture

Là encore, Nicolas Sarkozy "confesse" deux erreurs qui lui sont "entièrement imputables". "La première : je n'ai pas mesuré le risque que je prenais en disant que je n'avais pas aimé La Princesse de Clèves", écrit l'ancien chef de l'Etat. Lorsqu'il était candidat, en 2006, puis en tant que président, en 2008, Nicolas Sarkozy avait raillé l'étude de ce roman, l'estimant inutile. Et ses regrets sur la forme ne l'empêchent pas de confirmer le fond : il a bien trouvé le roman classique "d'un ennui mortel".

"Ma seconde erreur a sans doute été de ne jamais évoquer publiquement la véritable passion que j'éprouve depuis bien longtemps pour tout ce qui touche à l’art en général et au cinéma, à la littérature, à la peinture en particulier."

• L'hyper-présidentialisation

Présent partout, tout le temps, Nicolas Sarkozy avait amorcé un tournant vers "l'hyper présidentialisation" pendant son quinquennat. Ce qu'il ne regrette pas. "J'ai voulu tout simplement être président. Celui qui assume ses responsabilités, ni plus ni moins." S'il lui faut formuler un regret, "ce n'est certainement pas de m'être trop engagé dans le détail de l'action des ministres, mais au contraire de ne pas l'avoir assez fait, laissant ainsi trop de domaines où la réforme aurait dû être conduite avec plus d'énergie en situation d'immobilisme", écrit-il. 

• François Fillon

Premier ministre fidèle, resté du premier jour au dernier jour du quinquennat de Nicolas Sarkozy, François Fillon a, depuis la défaite de 2012, multiplié les critiques à l'encontre de l'ancien chef de l'Etat. Ce dernier confesse aujourd'hui qu'il a "trop souvent pris les silences de François Fillon comme autant d'acquiescements". "Si c'était à refaire, je choisirais le même Premier ministre", assure néanmoins Nicolas Sarkozy. "Il a rempli son rôle avec sérieux et responsabilité."

• La campagne de 2012

Elle fut "rude, très rude" pour le président sortant. "Mais l'âpreté de la bataille fut renforcée par le sentiment de solitude qui m'accompagna tout du long." Solitude dont Nicolas Sarkozy reconnaît une "part de responsabilité". "Je confesse une difficulté à déléguer", écrit-il. "J'aurais sans doute mieux fait de réserver une plus grande place à certains leaders de la droite et du centre. Essayer de mieux les associer. Je ne l’ai pas fait. Ce fut une erreur."

Son débat avec François Hollande entre les deux tours reste un événement marquant. "Ma résolution fut prise cet après-midi là de ne pas aller à l’affrontement", afin de ne pas donner corps à sa "prétendue brutalité", raconte-t-il. "Ce fut sans doute une erreur car elle déstabilisa nombre de mes partisans." Pour lui, il a "trop laissé [son] concurrent mentir". 

• L'affaire Bygmalion

Sur le scandale Bygmalion, Nicolas Sarkozy maintient sa version. "On aura sans doute du mal à me croire, c’est pourtant, je le jure, la stricte vérité : je ne connaissais rien de cette société jusqu’à ce que le scandale éclate", écrit-il.

• Le mariage pour tous

L'ancien président "regrette vivement de ne pas avoir tenu l'engagement", pris en tant que candidat, "de mettre en œuvre l'union civile pour les homosexuels". S'il considère que François Hollande aurait dû passer par un référendum pour mettre en oeuvre la loi Taubira, Nicolas Sarkozy précise qu'il ne "sera pas question de démarier les mariés ou de revenir en arrière sur le principe du mariage homosexuel" s'il revenait à la présidence. "C'est un point sur lequel, je l'assume, j'ai évolué."

Une évolution qui agace passablement les opposants farouches au mariage gay, à l'instar d'Hervé Mariton, qui a dénoncé sur Twitter un "parjure". 

• Les régionales 2015

Pour la première fois, le président des Républicains reconnaît que "le premier tour fut mauvais" pour son parti, "avec une poussée spectaculaire du parti de Marine Le Pen". "Le second fut assez bon."

• Sa personnalité

Nicolas Sarkozy estime avoir dû "dompter son tempérament" pour "l'acclimater à l'exigence présidentielle". "Je suis resté quelques mois de trop 'l'homme', alors qu'il aurait fallu être immédiatement le président", écrit-il. Vantant la "sérénité" qui vient avec l'âge, l'ancien chef de l'Etat dit percevoir, "avec le recul", "ce qu'[il] a pu avoir d'exaspérant". "Je crois que je ne ferai plus une erreur qui me fut, hélas, coutumière. J'ai toujours sous-estimé le poids du racisme, de l'homophobie, du sexisme, de la différence. Ces idées d'exclusion me sont parfaitement étrangères. Si bien que, parfois, je n'ai pas toujours pris les précautions nécessaires (...) Or, cela se révèle être une erreur, parce qu'on ne peut pas faire abstraction du contexte historique, social, culturel."

L'ancien président confesse également une "curiosité pour les personnalités différentes", qui l'a "parfois amené à commettre des imprudences". Et, notamment, celle de prendre le très droitier Patrick Buisson comme conseiller spécial. "J'ai gravement sous-estimé des traits de son caractère qui auraient dû me mettre en garde", reconnaît Nicolas Sarkozy. "Je me suis trompé et j'ai été abusé." Au début de l'année 2014, des enregistrements de Nicolas Sarkozy et sa femme, Carla Bruni, réalisés par Patrick Buisson à leur insu, avaient fuité sur Internet.

• Carla Bruni

A propos de sa femme, justement, l'ancien président explique son "empressement matrimonial". "Je sais qu'à l'époque, nombreux furent ceux qui ne comprirent pas et même jugèrent [cela] déplacé", confie-t-il. "Et pourtant c'était bien la façon la plus digne et la plus simple d'éviter à Carla un statut injurieux, en tout cas à mes yeux, de 'maîtresse officielle'." Un message pour François Hollande, qui n'était pas marié avec Valérie Trierweiler au début de son quinquennat et n'a jamais clarifié la situation avec Julie Gayet depuis la révélation de sa liaison ? "On m'a moqué pour avoir dit : 'avec Carla c'est du sérieux'", poursuit Nicolas Sarkozy. "C'était pourtant ce qui nous a permis d'éviter les photos volées, les sous-entendus graveleux, le machisme habituel en ce genre de situation." 

Nicolas Sarkozy revient également sur les concerts que Carla Bruni-Sarkozy a donnés depuis qu'ils ont quitté l'Elysée. "J'étais heureux pour elle, j'étais très fier de ce que l'artiste réalisait, mais la sincérité m'oblige à reconnaître que je n'étais pas insensible à ce que son public me témoignait de sympathie chaleureuse."

• François Hollande

Nicolas Sarkozy parle beaucoup de son successeur, lui reprochant notamment un "art consommé de la dissimulation". Il raconte ainsi un entretien "amical" le jour de la passation de pouvoir. Puis, le "changement instantané" du nouveau locataire de l'Elysée. Avec Carla Bruni-Sarkozy, François Hollande se montre, selon lui, "d’une froideur à la limite de la mauvaise éducation". "Quant à notre poignée de main, l’homme amical et chaleureux en privé laissa la place à un président distant, glacial, mal à l’aise."

Mais cela n'empêche pas l'ancien président, et c'est inédit, de reconnaître des qualités à celui qui l'a remplacé, notamment "une réelle habileté à parer les coups, à se dissimuler dans la tempête médiatique, à utiliser son Premier ministre comme un bouclier souvent utile. En tout cas, il le fait infiniment mieux que moi". Reste que certaines louanges ne se départissent pas d'une certaine amertume : "Hollande a été un bon candidat. C’est d’ailleurs ce qu’il sait faire de mieux, être candidat."