Légaliser le cannabis : contre-feu ou ballon d’essai ?

© DOMINIQUE FAGET / AFP
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Jean-Marie Le Guen a relancé, avec un succès certain, le débat lundi soir. Pour détourner l’attention ou préparer 2017 ? Les avis divergent. 

Jean-Marie Le Guen a fait son petit effet, lundi soir. Le secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement a relancé sur BFMTV le débat sur la légalisation du cannabis en France. "La situation actuelle ne marche pas" et "on doit bouger", a déclaré ce médecin de profession, qui a aussi évoqué le sujet devant le conseil national du PS le week-end précédent. "Le cannabis est une très mauvaise chose pour la santé publique, en particulier chez les jeunes. Mais la prohibition n'amène pas une diminution de la consommation", a-t-il argué. Mardi matin, le sujet est au cœur des discussions et des discussions politiques. Et c’était sans doute le but recherché. Le timing, en tout cas, interpelle.

Un contre-feu ? Pour l’opposition, aucun doute : le gouvernement, par la voix de son secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement, veut détourner l’attention, alors que la loi Travail fait débat depuis plusieurs semaines, et que le mouvement "Nuit debout" prend de l’ampleur. "Comme par hasard, le même jour, en direction des jeunes, d'un côté 500 millions, de l'autre, regardez, on est ouvert, on est sympa, on propose un débat sur la dépénalisation du cannabis. C'est juste pas sérieux", a dénoncé Benoist Apparu, député Les Républicains.

Le gouvernement ne suit pas. A entendre les réactions des membres du gouvernement, la sortie de Jean-Marie Le Guen a tout d’un couac. Car on ne peut pas dire que ses collègues aient accueilli la proposition avec enthousiasme. "Ce n'est pas la position du gouvernement", a déclaré Stéphane Le Foll sur France 2. "Il n'y a aucune piste de travail ni de réflexion engagée au gouvernement sur cette question", a tranché le porte-parole du gouvernement. "Il n'y a pas de dépénalisation du cannabis en vue", a renchéri Najat Vallaud-Belkacem. La ministre de l'Education s'est dite "assez hostile à ce qu'on envoie un signal" montrant "qu'on baisse la garde dans le combat contre les drogues". Même Jean-Vincent Placé s’est montré prudent. Le secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat, écologiste, s’est dit opposé à "une illégalité totale", mais a jugé que ce n'est pas "le moment de revenir sur ce débat".

Mais le débat est (re)lancé en vue de 2017. Pour autant, Jean-Marie Le Guen a posé les jalons du débat, à un peu plus d’un an de la présidentielle. A l’heure où les questions économiques phagocytent l’espace public, où les jeunes sont dans la rue, l’intérêt pour le Parti socialiste de relancer un tel débat est clair. Rien de tel en effet qu’un bon débat de société, particulièrement clivant en l’occurrence, pour ressouder les troupes à gauche. Les écologistes, mais aussi la gauche de la gauche, favorables au moins à la dépénalisation du cannabis, ne peuvent qu’applaudir, une fois n’est pas coutume, l’initiative d’un membre du gouvernement.

Si telle était l’intention de Jean-Marie Le Guen, alors c’est plutôt réussi, comme le montrent les réactions du frondeur du PS Pascal Lamy ou du président du Mouvement des Jeunes socialistes, Benjamin Lucas :

Eric Coquerel, coordinateur politique du Parti de Gauche, est sur la même ligne. "Il faut une légalisation de la consommation, et en même temps avoir des campagnes préventives contre sa consommation, comme avec le tabac et l’alcool. Le trafic est important, et manifestement, comme avec la prohibition, on n’arrive pas à y faire face", a-t-il déclaré lundi soir sur Europe 1.

Reste que le couple exécutif est de longue date opposé à la légalisation du cannabis. Sauf que selon BFMTV, Jean-Marie Le Guen avait prévenu François Hollande et Manuel Valls de son initiative. Et ni l’un ni l’autre n’ont cherché à dissuader le secrétaire d’Etat.