La fraude fiscale dans le collimateur de l'Assemblée

Bercy veut mieux traquer les fraudeurs fiscaux.
Bercy veut mieux traquer les fraudeurs fiscaux. © LUDOVIC MARIN / AFP
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avec AFP
Les députés entament lundi les débats sur le projet de loi du gouvernement, qui veut mieux lutter contre la fraude fiscale.

Traquer plus facilement les fraudeurs fiscaux et les sanctionner davantage : l'Assemblée entame lundi, après le Sénat, les débats sur le projet de loi du gouvernement pour "muscler" la lutte anti-fraude, qui doit aussi desserrer le "verrou de Bercy".

Pour le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, le texte "répond en quelque sorte" à celui sur le "droit à l'erreur", adopté définitivement fin juillet, qui doit permettre, sous réserve d'être "de bonne foi", d'éviter des sanctions de l'administration au premier manquement. "Si l'erreur est humaine, persévérer est diabolique. Nous avons traité l'erreur humaine (...) et nous traiterons ici la persévérance diabolique", avait-il expliqué en commission, avant la pause estivale.

Mise en place d'une "police fiscale". Pour "mieux détecter la fraude" qui prive les finances publiques de dizaines de milliards d'euros par an, et "mieux la sanctionner", le projet de loi, au menu des députés jusqu'à mercredi avant un vote solennel le 26 septembre, met notamment en place une "police fiscale". Elle sera opérationnelle au 1er juillet 2019, selon le ministre.

Le projet étend aussi la possibilité de rendre publics les noms des fraudeurs (pratique du "name and shame"), prévoit une procédure de plaider-coupable ou encore revoit les règles pour les plateformes en ligne de type Airbnb, avec une transmission automatique des sommes perçues par les utilisateurs. Sur ce point, le gouvernement prévoit, via un amendement, des dispenses en deçà de 3.000 euros par an.

Le "verrou de Bercy" pourrait être desserré. Mesure phare, qui ne figurait pas dans la version initiale du gouvernement : l'aménagement du monopole des poursuites détenu par l'administration fiscale, le fameux "verrou de Bercy". Mis en place dans les années 1920, ce dispositif est critiqué depuis des années notamment par les magistrats et des ONG, qui l'accusent de favoriser une certaine forme d'opacité.

Les députés ont voté en commission un amendement de la rapporteure LREM Emilie Cariou, qui va plus loin que ce qu'avait prévu le Sénat en première lecture début juillet. Est prévu un "mécanisme de transmission automatique des dossiers les plus graves", "sélectionnés selon des critères objectifs inscrits dans la loi", selon la députée, qui défend globalement un texte "ambitieux". Le nombre de dossiers ainsi transmis au fisc devrait doubler, selon le gouvernement.

L'opposition et les ONG trouvent le texte trop timoré.  Si en commission, tous les groupes d'opposition s'étaient associés à la volonté du gouvernement de lutter contre la fraude, certains trouvent le texte trop timoré, notamment sur le verrou ou la liste des paradis fiscaux. Le PS a ainsi exhorté la majorité à "aller plus loin", tandis que les Insoumis, qui défendront dans l'après-midi une motion de renvoi en commission, ont dit craindre "un coup d'épée dans l'eau".

Du côté des ONG, Transparency France estime que le texte "va dans le bon sens", la remise en cause du "verrou de Bercy" étant notamment à ses yeux "une première étape nécessaire". Oxfam salue également "une avancée", mais déplore que le verrou ne soit pas "définitivement enterré". 

Aucune estimation officielle n'existe sur les milliards d'euros d'impôts qui échapperaient chaque année à l'État à cause de la fraude - 80 à 100 milliards, selon le syndicat Solidaires finances publiques. Gérald Darmanin a annoncé la semaine dernière la mise en place d'un observatoire qui devra produire un chiffrage précis dans un an.