Les parlementaires, réunis en Congrès à Versailles, ont largement adopté l'inscription de l'IVG dans la Constitution. 1:34
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avec AFP / Crédits photo : BERTRAND GUAY / AFP , modifié à
780 parlementaires ont approuvé l'introduction à l'article 34 du texte fondamental de la phrase: "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".

Députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles ont très largement approuvé lundi l'inscription dans la Constitution de l'interruption volontaire de grossesse, la France devenant le premier à pays à le faire de manière explicite. 780 parlementaires ont approuvé l'introduction à l'article 34 du texte fondamental de la phrase : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Seuls 72 parlementaires ont voté contre. Ce vote historique a été salué par une ovation debout de l'hémicycle.

Le président Emmanuel Macron a, dans la foulée, salué une "fierté française" et "un message universel". Il a également annoncé qu'une cérémonie de scellement, ouverte au public, se tiendrait vendredi 8 mars à 12h sur la place Vendôme à Paris.

"La France est fidèle à son héritage" 

Sous un tonnerre d'applaudissements, la résidence des rois de France et son gigantesque hémicycle ont vibré au moment où députés et sénateurs ont parachevé l'examen de cette révision constitutionnelle historique, fruit d'une bataille politique et féministe engagée de longue date. Le Premier ministre Gabriel Attal a salué "une étape qui restera dans l'Histoire", estimant que la liberté d'avorter "reste en danger". "La France est fidèle à son héritage (...) patrie des droits de l'homme et aussi et surtout les droits de la femme". 

L'annonce des résultats du vote par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, première femme à présider le Congrès, a causé une explosion de joie sur les fauteuils rouge vif de l'hémicycle et sur la place du Trocadéro à Paris, où plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées pour visionner les débats sur écran géant, sous une tour Eiffel scintillante. Plusieurs députés et invités ont entonné l'hymne des femmes dans l'hémicycle.

Aurore Bergé au bras de sa mère

Signe de la dimension planétaire de ce vote, le Vatican s'est fendu d'une vive réaction, arguant qu'il "ne peut y avoir de 'droit' à supprimer une vie humaine". L'émotion a été au rendez-vous au château de Versailles, plusieurs parlementaires confiant leur exaltation devant ce moment rare dans une vie d'élu, au cinquantenaire du vote de la loi Veil ayant légalisé l'avortement en France en 1974. La ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, est notamment arrivée au bras de sa mère, qui avait avorté clandestinement.

Si la gauche a réservé ses prises de parole uniquement à des oratrices au Congrès, les groupes Renaissance et Les Républicains ont eux choisi quatre hommes pour résumer les positions de leurs groupes. "Ce combat-là rentre dans la grande histoire, c'est très rare", a salué la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot, à l'initiative de cette révision à l'Assemblée. Elle a reconnu vivre un "moment un peu magique", arborant une tenue verte, couleur de ralliement des militantes pro-avortement en Amérique latine.

"Nous continuerons pour celles qui résistent à Trump, Bolsonaro, Orbán, Milei, Poutine, Giorgia Meloni", a prolongé la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, recevant à plusieurs reprises une standing ovation du Congrès, sous les yeux d'une trentaine de journalistes étrangers sur quelque 150 accrédités.

"Nous devons (ce vote) à la liberté des femmes" 

Emmanuel Macron avait fait de cette réforme l'une des promesses phares du volet sociétal de sa politique ces derniers mois, embrassant les différentes initiatives parlementaires de la gauche, soutenue par la majorité. La formulation de "liberté garantie" à l'IVG est l'aboutissement de longs débats au Parlement et particulièrement au Sénat, où le président Gérard Larcher et une partie de la droite étaient réticents. Le chef des députés LR Olivier Marleix a pointé le "risque" de créer "un droit absolu". Mais "nous devons (ce vote) à la liberté des femmes", a-t-il concédé, reconnaissant les "menaces" planant sur l'avortement dans le monde.

Plus offensive, Marine Le Pen a raillé "un jour à la gloire d'Emmanuel Macron", avant que sa collègue du Rassemblement national Hélène Laporte n'estime que "la liberté que nous consacrons aujourd'hui ne sera jamais qu'une demi-liberté". Dans une journée globalement consensuelle, plusieurs responsables insoumis et écologistes ont néanmoins accusé Gabriel Attal "d'invisibiliser" les initiatives de plusieurs femmes de gauche.

Les opposants à l'IVG ont de leur côté manifesté à Versailles dans l'après-midi, ralliant plus de 500 personnes appelant à "protéger la vie". À l'opposé, la présidente nationale du Planning familial, Sarah Durocher, a salué un "jour historique" mais alerté sur la nécessité d'ouvrir le chantier des moyens pour "l'accès à l'avortement".