Manifestation contre la réforme des retraites à Paris 2:39
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Margaux Baralon , modifié à
Le directeur du département "opinion et stratégies d'entreprise" de l'institut de sondages Ifop, Jérôme Fourquet, revient pour Europe 1 dimanche sur l'année sociale chargée que fut 2019. Et note qu'en dépit des multiples sources de mécontentement et de l'insatisfaction grandissante, il n'y a pas eu de convergence des luttes.
INTERVIEW

Fin 2018, c'est la crise des "gilets jaunes" qui a enflammé le pays. Fin 2019, la réforme des retraites a largement mobilisé, entraînant des manifestations et des grèves qui durent toujours. Indéniablement, les douze derniers mois en France ont été marqués par une actualité sociale chargée. Pourtant, comme l'analyse Jérôme Fourquet sur Europe 1 dimanche matin, la convergence des luttes n'a pas eu lieu. "Pour impressionnante et massive que soit la mobilisation, il n'y a pas eu la convergence des luttes. On a bien un certain nombre de 'gilets jaunes' qui ont rallié les cortèges [contre la réforme des retraites] mais ce n'est pas l'intégralité", explique le directeur du département "opinion et stratégies d'entreprise" de l'institut de sondages Ifop.

Un phénomène d'"archipellisation" des luttes

À l'inverse, il se passe ce que lui-même analyse dans son dernier livre, L'Archipel français, comme une "archipellisation" des combats. Autrement dit, "il y a un haut degré de mécontentement dans le pays, deux tiers des Français sont insatisfaits de l'exécutif, tout cela débouche sur des crises sociales assez importantes, mais pour l'instant il n'y a pas un front commun, uni, qui permet d'agréger les différentes îles de l'archipel en opposition à Emmanuel Macron". 

La situation est donc très différente, notamment, de celle qui a prévalu en 1995, souvent prise en exemple. "Si on regarde la géographie des manifestations du mois de décembre, on s'aperçoit que qu'elle est très indexée sur le poids de l'emploi public dans les villes concernées. Ceux qui sont mobilisés sont les agents à statut de la RATP, de la SNCF, mais on n'a pas d'extension pour l’heure, comme ça a pu être le cas en 1995, au secteur privé", rappelle Jérôme Fourquet. "Ce sont des illustrations complémentaires du phénomène d'archipellisation."

Un gouvernement avec peu d'assise populaire, mais conforté par les institutions

Ce phénomène de fracturation est accentué par le gouvernement, qui y voit un moyen de tenir bon. "On voit bien qu'il a essayé de 'saucissonner' les luttes et faire en sorte que cela ne se propage pas à d'autres secteurs", analyse le sondeur. Cela est rendu possible par la structure même des institutions de la Ve République, et son pouvoir présidentiel fort. "Les institutions de la Ve République permettent d'assurer une stabilité politique et institutionnelle dans un paysage fragmenté." Le revers de la médaille, c'est que ce pouvoir présidentiel semble n'avoir une assise populaire que très limitée. "On le voit s'appuyer sur une part assez minoritaire de la population", reconnaît Jérôme Fourquet. "Mais, par le truchement de nos institutions, il peut continuer d'avancer même si cela se fait de manière chaotique."