Emmanuel Macron à la tribune de l'ONU 9:09
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Propos recueillis à New York par Jean-Rémi Baudot , modifié à
En marge de son intervention au sommet de l'ONU sur le climat, le chef de l'État a accordé mercredi un entretien exclusif à Europe 1. Immigration, AME, réfugiés climatiques, Emmanuel Macron s'exprime pour la première fois sur ce sujet sensible. 
EXCLUSIF

C'est un entretien exclusif et instructif, qu'a accordé Emmanuel Macron à Europe 1 depuis New York. Le chef de l'État a profité du sommet sur le climat pour se confier sur un sujet hautement sensible : l'immigration. Au cours de l'interview, Emmanuel Macron a dressé le constat des problèmes actuels et livré des pistes pour améliorer la situation, que ce soit sur le droit d'asile, l'Aide médicale d'État ou encore les réfugiés climatiques. Retrouvez ci-dessous l'intégralité de cet entretien. 

"Aujourd'hui, on est à la fois inefficaces et inhumains, en Europe comme en France"

"Je pense que ça serait une erreur de dire que la question migratoire est une question tabou ou qu'on ne pourrait la poser que quand il y a des crises. Notre pays est un pays de migrations, de tout temps. Il ne faut pas faire croire aux gens qu'on serait aujourd'hui débordés par ce phénomène-là ou que la France est un pays qui n'a jamais été un pays constitué pour partie par l'immigration, c'est faux. Ce qui est vrai aussi, c'est que nous vivons depuis plusieurs années avec un accroissement des migrations : on a eu les grandes migrations liées à la crise syrienne en 2015, on a aujourd'hui de plus en plus de migrations qui viennent d'Afrique, et nous allons de plus en plus vivre avec les migrations.

La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. Face à cela, nous devons nous organiser parce que la France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. C'est pour moi le défi qu'on s'est fixé, c'était l'engagement que j'avais pris à Orléans en juillet 2017 et qu'on n'a pas réussi à tenir. Que s'est-il passé depuis l'élection présidentielle ? On a eu une très forte augmentation du nombre de demandeurs d'asile. Ceci est lié à un phénomène très compliqué : il n'y a pas suffisamment de coopération en Europe et on doit regarder la réalité de ce phénomène migratoire et prendre des décisions. 

Au niveau européen, on doit travailler et être plus efficaces pour avoir des règles communes d'asile. Aujourd'hui, on est à la fois inefficaces et inhumains en Europe comme en France. Nous devons accélérer la refonte des règles de Schengen et de Dublin, c'est-à-dire avoir des règles d'asile communes, être plus efficaces pour renvoyer dans leur pays, dès le début, ceux qui n'ont pas vocation à rester en Europe. On n'est pas assez efficaces, les procédures trop longtemps. Quand quelqu'un en Europe reste pendant des années, vous ne pouvez plus le reconduire chez lui, il a acquis une vie normale. Au niveau européen, on doit travailler et être plus efficaces pour avoir des règles communes d'asile, une politique de reconduite commune."

"Pour pouvoir accueillir tout le monde dignement, on ne doit pas être un pays trop attractif"

Moi je veux qu'on continue d'accueillir tout le monde dignement. Pour pouvoir accueillir tout le monde dignement, on ne doit pas être un pays trop attractif, je vous le dis très franchement. On doit le plus rapidement possible, donner l'asile à ceux qui ont besoin de notre protection et il faut être plus efficaces, plus humains et plus efficaces, dans les six mois. On doit ensuite intégrer beaucoup plus efficacement ceux qui ont droit à l'asile, avec des cours de français et une politique de l'emploi plus forte.

On doit reconduire beaucoup plus efficacement les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire. On doit traiter et protéger tout ceux qui sont sur notre territoire, pour eux-mêmes et pour nous. Mais là aussi, le faire avec raison garder et bon sens, et analyser s'il n'y a pas des excès qui existent, et je crois qu'ils existent dans certaines catégories. Ensuite, on doit reconduire beaucoup plus efficacement les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire parce qu'elles y sont entrées illégalement et qu'elles ont parfois demandé l'asile et qu'elles n'y avaient pas droit. Si on arrive à faire ça, je peux vous dire qu'on sera un pays qui est à la hauteur de ses valeurs, qui accueille la partie de population qu'il peut accueillir, et qui le fera bien, qui intégrera bien, ce qui est une opportunité économique mais qui ne sera pas non plus un pays dans lequel parfois on ajoute la misère à la misère

J'assume de parler calmement d'immigration. C'est un débat compliqué, la réponse n'est pas univoque. Il y a plusieurs piliers : notre politique africaine, notre politique de développement, notre lutte contre les trafics, notre politique européenne, notre politique française avec tous ses aspects. Si on n'arrive pas à faire tout ça, on sera l'otage de débats simplistes. Je ne veux pas de débats simplistes pour notre pays. Je crois au vrai en même temps sur la politique migratoire aussi. J'assume de parler calmement d'immigration."

"Ce serait ridicule de supprimer l'AME, mais il faut l'évaluer" 

"En France, on doit regarder les choses : pourquoi il y a moins d'entrées de migrants depuis deux ans en Europe et il y a une augmentation de la demande d'asile en France ? C'est un fait. Elle vient de pays avec lesquels on entretient des relations permanentes et qui ne sont pas des pays en guerre. Il y a sans doute des dérives, en tout cas un contournement de la procédure de demande d'asile. À côté de ça, quand on voit beaucoup de ressortissants venant de pays avec lesquels on entretient des relations, on a ouvert les visas.

La France ne peut pas continuer dans cette situation. On a une explosion des entrées qui sont liées au sujet sanitaire, avec des gens qui viennent pour se faire soigner en France. Ce sont des phénomènes qu'on doit regarder et auxquels on doit apporter une réponse. La France ne peut pas continuer dans cette situation. Il nous faut bien accueillir et protéger au plus vite les femmes et les hommes qui relèvent du droit d'asile. Ensuite, il faut qu'on harmonise nos règles avec nos voisins.

Est-ce que l'Aide médicale d'État a un panier de soins qui correspond à tout ce qui est nécessaire ? On ne peut pas avoir sur certains sujets des règles qui sont totalement décorrélées de la réalité de nos voisins. Il faut qu'on continue à soigner dans notre pays toutes celles et ceux qui y sont. J'ai entendu dans les débats certains qui disaient qu'il faut supprimer l'Aide médicale d'État. Ce serait ridicule ! Mais est-ce que l'Aide médicale d'État a un panier de soins qui correspond à tout ce qui est nécessaire ? Ça, il faut l'évaluer. Moi, je n'ai pas la réponse, mais on a le droit d'avoir un vrai débat, parce que sinon, c'est un débat où il faut rien toucher et on voit des excès et il faudrait tout supprimer. Moi, je ne veux pas ce débat pour notre pays. Il faut un débat pour regarder ce qu'on fait par rapport à notre voisin et est-ce qu'on rembourse à 100% tout ce qui est nécessaire d'être remboursé et est-ce qu'il n'y a pas parfois, un peu, des excès."

Gérard Larcher "attend des actes"

Invité de Sonia Mabrouk à 8h15 mercredi, le président du Sénat  s'est dit sceptique à propos des positions d'Emmanuel Macron sur l'immigration, dénonçant l'échec de la politique migratoire du chef de l'État. "Le bilan est mauvais, on attend des actes", demande le président Les Républicains sur notre antenne, avant de détailler ces chiffres : "Jamais autant de demandes d'asile, +22% en provenance d'autres pays européens, il n'y a que 10% des déboutés du droit d'asile qui sont reconduits à la frontière et 256.000 titres de séjour", liste Gérard Larcher.

   
>> Retrouvez l'interview intégrale de Gérard Larcher ici