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Nicolas Beytout, édité par Wassila Belhacine
Le président de la République a été élu une seconde fois à l'Elysée et en battant un nombre incroyable de records. Il est le premier chef de l'État, et le plus jeune, à avoir été réélu hors période de cohabitation. Sur Europe 1, l'éditorialiste Nicolas Beytout se demande comment Emmanuel Macron va gouverner pour son second et dernier mandat.
EDITO

Emmanuel Macron a  été réélu dimanche et il bat à cette occasion un nombre incroyable de records. Le plus impressionnant d’entre eux : c’est le seul occupant de l’Elysée à avoir été réélu hors période de cohabitation. François Mitterrand et Jacques Chirac ont, eux aussi, gagné deux fois de suite l’élection présidentielle, mais ils étaient tous les deux passés par la case cohabitation. Autrement dit, lorsqu’ils ont été réélus, ils n’exerçaient plus le pouvoir, c’est leur Premier ministre de cohabitation (et donc un adversaire politique) qui était aux commandes du pays. 

Cela signifie que, jusqu’alors, les Français ont systématiquement éliminé ceux qui étaient au pouvoir, dans une sorte de zapping politique. Finito, cette fois, c’est celui qui est en charge des affaires du pays qui se voit confier un nouveau mandat pour cinq ans de plus. Premier exploit. Emmanuel Macron est réélu plus jeune que le plus jeune de ses prédécesseurs n’avait gagné la présidentielle pour son premier mandat : en 1974, Valéry Giscard d’Estaing avait accédé à l’Elysée à 48 ans. Emmanuel Macron en a 44.

La voie est libre

Cette réélection fait de lui le premier chef de l’État à pouvoir exercer pleinement son magistère pendant dix années pleines, ce qui donne enfin à la France une durée, condition indispensable pour la réalisation de réformes difficiles. Et, hasard du calendrier électoral, ce sera la première fois dans toute l’histoire de la Ve République qu’un chef de l’État a devant lui quatre années pleines sans élection générale importante, sans défi politique : pas de législatives, pas d’élections régionales ni municipales, la voie est libre.

Et cela d’autant plus qu’il se retrouve dans la situation d’être le premier président de la République qui entame un mandat en sachant que c’est obligatoirement le dernier. Ce qui veut dire qu’il n’est en théorie tenu par aucune obligation de ménager tel intérêt catégoriel dans le seul but de ne pas nuire à sa réélection.

Là aussi, il a les mains libres. Et toute la question, maintenant, c’est de savoir pour quoi faire. Parce que, à l’issue de cette drôle de campagne électorale, on ne sait plus avec certitude qui sera le Macron du deuxième mandat. Quel président sera-t-il ? Celui du premier tour qui promettait la retraite à 65 ans, le RSA sous conditions et l’autonomie pour l’école ? Ou celui du second tour, qui avait reculé sur ces trois sujets phares de son programme ? Sera-t-il le président qui gouverne à droite, comme il a fait campagne à droite avant le premier tour, celui qui prend davantage en compte les sujets régaliens, la sécurité, l’immigration, ou sera-t-il celui qui gouverne à gauche comme il l’a promis entre les deux tours pour ramasser les voix de Jean-Luc Mélenchon et de Yannick Jadot ?

La bataille des législatives 

Ces réponses vont dépendre des prochaines élections législatives. Le match a déjà été lancé dimanche soir par Marine Le Pen et par Jean-Luc Mélenchon, tous les deux très offensifs. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les perdants de cette élection présidentielle ne sont pas KO. Ils ont encore envie d’en découdre et vont tenter de rafler la majorité au Parlement.

Historiquement, le président élu a toujours eu une majorité ensuite au Parlement, même si François Mitterrand, pour son second mandat, n’avait obtenu qu’une majorité relative. Mais cette fois-ci, la situation pourrait être différente. C’est une nouvelle campagne qui commence, mais sur des bases assez friables : en dépit de tous ses records, le chef de l’État a rassemblé sur son nom moins de voix qu’il y a cinq ans, et le nombre d’électeurs qui se sont abstenus sonne comme une sérieuse alerte.

Et puis, le fait d’entamer son second et dernier mandat est certainement un avantage (on l’a dit, il a en théorie les mains libres). Mais ce premier jour de son second bail est aussi le premier du décompte vers la fin de son pouvoir. Et à l’évidence, ce lent compte à rebours va voir monter les ambitions pour l’avenir, y compris au sein de son propre camp. Dimanche soir, dans son discours de remerciements, Emmanuel Macron a reconnu que les années viennent seront "à coup sûr pas tranquilles". C'est probablement ce qui explique que la soirée de dimanche manquait tellement d'enthousiasme.