EDITO - La réforme des retraites montre que Macron "a bel et bien détruit la gauche"

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Nicolas Beytout , modifié à
Alors que la tension semble retomber entre le gouvernement et les syndicats réformistes, toutes les oppositions de gauche réclament encore le retrait du projet. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, cette obstruction systématique et irréfléchie montre que la gauche est à bout de souffle.
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>> Les négociations sur la réforme des retraites reprennent mardi à Matignon. Les syndicats réformistes semblent plus enclins à la discussion contrairement à la CGT et FO, par exemple. Ceux deux syndicats jusqu’au boutiste sont soutenus par toute la gauche, jusqu’à Ségolène Royal, souligne notre éditorialiste Nicolas Beytout, qui y voit la preuve de sa déliquescence.

"Ce matin, l’atmosphère est différente sur le front social. On est clairement entré dans une nouvelle séquence du conflit. Le climat entre le gouvernement et les syndicats semble s’être un peu apaisé (je parle bien sûr des syndicats réformistes). Rien n’est fait, mais ce contexte, plus la mobilisation toujours très faible du côté des grévistes, tout ça crée une ambiance assez nouvelle, par rapport à ce qui se passait avant la pause de Noël.

Sauf que d’autres syndicats - la CGT, FO en particulier - ne sont pas du tout sur cette longueur d’onde. Ils ne veulent pas baisser les armes. Mais le gouvernement a intégré que ces deux organisations syndicales ne reviendraient pas dans le jeu, qu’elles sont tellement braquées sur le retrait, et rien d’autre, du projet de réforme des retraites. Elles sont d’ailleurs encouragées dans leur jusqu’au-boutisme par toute de la gauche qui semble n’hésiter devant aucune surenchère.

Retournement de veste

Effectivement, les oppositions de gauche sont alignées sur la CGT : elles veulent toutes le retrait total du projet. Alors, pas de surprise du côté de la France Insoumise, ou du Parti communiste, ou du Parti anticapitaliste, on s’y attendait. Mais trouver dans cette constellation le PS et son patron, Olivier Faure, est tout de même assez surprenant. Le voir rejeter tout projet d’allongement de la durée de cotisation, lui qui, en tant que député socialiste, a voté il y a quelques années seulement la réforme Touraine qui prévoyait d’exiger toujours plus de trimestres de cotisations, c’est tout de même un drôle de retournement de veste.

Bon, on comprend que la gauche, toutes obédiences confondues, ne veut pas se laisser distancer par les syndicats dans l’identification au camp du refus, mais il y a tout de même des contorsions qui sont spectaculaires. Et c’est plus incroyable encore de la part de Ségolène Royal.

Toutes les nuances ont disparu

Le fait est qu’elle multiplie les déclarations toutes plus dures les unes que les autres à l’égard de la réforme, et d’Emmanuel Macron. Et ce qui frappe, c’est à la fois la dureté de ses déclarations, et leur côté systématique, comme s’il fallait cogner, cogner, cogner. Et les mots qu’elle emploie ne sont jamais anodins. La réforme est "ultra-libérale" (pas juste libérale, non : "ultra") ; elle organise "une privatisation de notre protection sociale" (mais pas n’importe laquelle : au profit de la finance, bien sûr ; mais pas n’importe quelle finance, non : la "finance mondialisée").

Tous les symboles sont là, et toutes les nuances ont disparu. Certains, dans la "Macronie", expliquent que cette colère de Ségolène Royal vient de ce qu’elle n’a plus ni mandat ni portefeuille ministériel, et des menaces qui planent sur son poste d’ambassadrice des Pôles, un rôle qu’elle ne semble pas avoir investi lourdement. Je ne rentre pas dans ces hypothèses, mais je me dis que, décidément, Emmanuel Macron a bel et bien détruit la gauche. Que ceux qui ont gouverné la France pendant sept ans depuis l’an 2000 en soient revenus à cette posture d’opposition systématique, n’est pas très bon signe pour elle."