EDITO - "Nullité" des débats, "dévoiement" du scrutin : "La France ne mérite pas l'Europe", dénonce Jean-Michel Aphatie

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Jean-Michel Aphatie, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Alors que la campagne pour les élections européennes peine à imprimer dans l'opinion, Jean-Michel Aphatie critique le niveau du débat et la plupart des choix des candidats pour représenter les 33 listes en course.

La campagne pour les élections européennes entre dans sa dernière ligne droite. Au total, 33 listes sont en compétition, mais notre éditorialiste politique Jean-Michel Aphatie déplore le manque de connaissance des questions européennes de la plupart des candidats, et surtout, dénonce la vacuité des stratégies de politique intérieure qui les ont placés là.

"Ce débat s'annonce comme une grande nullité, c'est très triste. La France élit des députés européens depuis 1979, elle a une expertise. Sur les 33 listes, il y en a deux, celle d'Europe Écologie-Les Verts, dirigée par Yannick Jadot, député européen sortant, et celle de Florian Philippot (Les Patriotes), député européen sortant, qui connaissent les problèmes de l'Europe. Les têtes de liste des autres partis sont là pour des raisons de politique intérieure.

C'est un dévoiement de l'élection européenne que l'on n'observe pas à ce niveau, dans les autres pays européens. Le pompon, c'est au Rassemblement national. Marine Le Pen a confié la tête de liste de son parti à un jeune homme qui n'a aucune expérience de la vie - ce n'est pas de sa faute, il a 23 ans -. Il ne connaît pas l'Europe, il ne connaît pas le Parlement européen, il s'appelle Jordan Bardella. Il a deux qualités : il ne fait pas d'ombre à la patronne, parce qu'on en est là au RN, et il récite le catéchisme de son parti avec plus ou moins de talent.

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"L'Europe mérite mieux et nos partenaires européens nous regardent avec beaucoup de curiosité"

La Rassemblement national a plein de députés européens, des gens qui ont de l'expérience de l'Europe. Mettons quelqu'un qui a une expérience de l'Europe ! Les Républicains, c'est la même chose. Ils ont fourni une quantité de parlementaires européens. Dans ces parlementaires européens, ils sont incapables de distinguer un des leurs pour le mettre tête de liste. Il vont chercher un philosophe de 33 ans, François-Xavier Bellamy. Ce n'est pas son talent qui est en cause mais il ne connaît rien à l'Europe, lui non plus.

Le pompon du pompon, on va le décerner ce matin à Benoît Hamon, qui a coulé à pic lors de l'élection présidentielle 2017 pour le Parti socialiste et qui essaye de se racheter un gilet de sauvetage européen pour poursuivre sa carrière politique. C'est du dévoiement d'élection. Franchement, l'Europe mérite mieux et nos partenaires européens nous regardent quelque fois avec beaucoup de curiosité.

Parlons de La République en marche qui a confié la tête de sa liste à Nathalie Loiseau, ancienne ministre des Affaires européennes. On se dit que ça tient un peu la route... Mais elle se révèle être une candidate d'une grande médiocrité. Elle a une expression publique très hasardeuse, elle emploie des mots qui font polémique, elle entretient des polémiques qui la concernent, elle n'a aucun sens politique. Quand elle est sur un meeting, on ne retient rien de ce qu'elle dit, elle n'a aucun charisme.

En lisant Le Parisien dimanche, on a appris qu'Angela Merkel avait envoyé un émissaire à Emmanuel Macron pour s'inquiéter de l'état de la liste de La République en marche. Le message d'Angela Merkel, c'est qu'il 'faut quand même envoyer des députés français pro-européens à Bruxelles, ça va nous être utile'. On en est là en France.

"Tous les problèmes de la France sont liés aux choix que nous avons faits depuis des années"

La campagne va durer trois semaines. Quelle va en être la tonalité ? Ça, on a l'expérience, on connait : 'Tout est de la faute de Bruxelles, tous les problèmes que connait la France sont de la faute des technocrates bruxellois, de la machine bruxelloise, de l'Europe.' Rien n'est plus faux.

Si on a en France, un taux de chômage important qui, depuis 30 ans, mine la cohésion sociale du pays, ce n'est pas de la faute de Bruxelles, c'est de la faute des dirigeants français. Si on a en France, une dette qui menace de nous écraser, ce n'est pas de la faute de Bruxelles, c'est de la faute des dirigeants français. Tous les problèmes de la France sont liés aux choix que nous avons faits depuis des années et des années, et ce n'est pas de la faute de Bruxelles. La vérité, c'est que la France ne mérite pas l'Europe."