Bioéthique : l'Assemblée rejette de justesse la PMA post-mortem

Les députés se sont opposés d'une courte majorité à la PMA post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé. (Image d'illustration)
Les députés se sont opposés d'une courte majorité à la PMA post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé. (Image d'illustration) © AFP
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avec AFP
La majorité s'est montrée très divisée sur le sujet. Opposé à cet amendement, la ministre de la Santé a fait valoir la "vulnérabilité" d'une personne en deuil.

Après plus de trois heures de débats divisant largement la majorité, l'Assemblée s'est opposée de justesse jeudi à la PMA post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé, lors de l'examen en première lecture du projet de loi bioéthique. Interdite en France, la procréation médicalement assistée post-mortem consiste à réaliser une PMA après le décès du conjoint, sous forme d'insémination de sperme ou d'implantation d'un embryon conçu avec les gamètes du couple, puis congelé avant le décès de l'homme.

Le gouvernement était contre cette mesure, qui ne figure pas dans le projet de loi mais était défendue par des députés de la majorité comme de l'opposition, sous condition. Après un débat empreint de gravité sur ces situations rarissimes mais "douloureuses, cruelles", les parlementaires ont rejeté les amendements concernés, le score le plus serré étant de 60 voix contre 51 pour un amendement LREM. "Nous en avons beaucoup discuté, dans un débat sincère et puissant", a souligné Aurore Bergé, l'une des responsables LREM sur le texte. Opposée à ces amendements, elle a convoqué "l'intérêt supérieur de l'enfant, qui aurait à porter un récit particulièrement lourd" après un drame.

 

Les marcheurs étaient très divisés, plusieurs d'entre eux jugeant "illogique" de refuser à une veuve d'utiliser les gamètes de son conjoint décédé, mais de l'autoriser - en ouvrant la PMA aux femmes seules - à recourir à un donneur anonyme. "On ne permettra pas à une veuve d'avoir une PMA avec l'homme qu'elle a aimé, mais on lui permettra d'avoir une PMA avec un tiers-donneur, je ne comprends pas", a résumé Florence Granjus (LREM). Le co-rapporteur Jean-Louis Touraine (LREM) a demandé, comme d'autres "marcheurs", de "faire confiance" aux femmes, les mieux placées pour décider de "persévérer" ou pas dans leur projet parental.  "C'est une espèce de double deuil qu'on va imposer à une mère", a aussi déploré l'UDI Pascal Brindeau.

"Pression sociale"

La ministre de la santé Agnès Buzyn, contre les amendements, a insisté sur la "vulnérabilité" d'une personne en deuil : "chacun sait que le regard des autres change (...) Comment ces femmes pourront-elles résister à la pression sociale, amicale voire familiale qui dirait 'si tu l'aimais vraiment, termine ce projet' ?". "Nous mettons le pied sur un terrain très glissant", a jugé Pierre Dharréville (PCF). Dans les rangs LR, Patrick Hetzel s'est élevé contre "une ligne rouge parce que symboliquement, ce qui est en jeu, reviendrait à faire engendrer (par) un mort".

En fin de journée, les députés ont rejeté les amendements visant à autoriser que dans un couple de femmes, l'une puisse recevoir les ovocytes de l'autre (la technique dite ROPA). Ils ont ensuite discuté du statut des embryons surnuméraires ou de la définition de la "qualité" d'un embryon, sans changer le texte. La soirée a été marquée par quelques piques de l'opposition, sur un ton badin, à l'endroit du co-rapporteur Jean-Louis Touraine, et ses positions souvent au-delà du projet de loi.

"Je vois bien que notre ministre (Agnès Buzyn) essaye de freiner les élans libertaires du rapporteur, mais elle a bien du mal. (...) On pourrait surnommer notre collègue le Californien, car on peut tout faire en Californie", lui a lancé Charles de Courson (Libertés et Territoires).  "Moins j'entends le rapporteur, mieux je me porte", a même lâché le député LR Aurélien Pradié.