Elisabeth Borne 1:54
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Alexandra Jaegy avec AFP / Crédit photo : CHARLY TRIBALLEAU / POOL / AFP , modifié à
Dans la nuit de samedi à dimanche, le domicile familial de Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses, a été attaqué à la voiture bélier, dans un contexte d'émeutes liée à la mort de Nahel. Des faits qui ont été unanimement condamnés par les personnalités politiques de tous bords politiques.

La violente attaque à la voiture-bélier qui a visé le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) a suscité l'indignation unanime de la classe politique dimanche, au terme d'une nouvelle nuit d'émeutes provoquées par la mort mardi du jeune Nahel, tué par un policier. Le choc causé par l'agression visant l'élu de cette commune d'ordinaire tranquille de 30.000 habitants de la banlieue sud de Paris a fait passer au second plan la décrue des violences constatées dans la nuit de samedi à dimanche dans de nombreuses villes de France. "Nous ne laisserons rien passer, nous serons aux côtés des maires", a promis la Première ministre Elisabeth Borne en venant apporter son soutien au maire dans sa ville. Le gouvernement ne "laissera passer aucune violence" et "la plus grande fermeté" sera appliqué dans les sanctions, a-t-elle ajouté.

Dans un contexte de recrudescence des attaques visant les représentants politiques, le président de l'Association des maires de France (AMF) David Lisnard (LR) a appelé élus et citoyens à se rassembler lundi à midi devant les mairies de tout le pays. Le patron de l'AMF a ainsi fait état auprès de l'AFP de "150 mairies ou bâtiments municipaux attaqués depuis mardi, une première dans l'histoire du pays". Le président Emmanuel Macron, qui n'a pas immédiatement réagi à l'attaque, doit faire un "point de situation" à l'Elysée à 19H30 avec plusieurs membres de son gouvernement.

Les faits se sont déroulés vers 01H30 du matin, lorsqu'une voiture-bélier garnie de produits incendiaires a pénétré dans l'enceinte du domicile du premier magistrat de L'Haÿ-les-Roses, qui se trouvait alors dans sa mairie pour gérer une nouvelle nuit d'incidents dans sa commune.

"Tentative d'assassinat"

Le portail d'entrée et la voiture de la famille ont été brûlés. "Les premières constatations nous laissent présumer que le véhicule a été lancé pour brûler le pavillon", a détaillé le procureur de la République de Créteil Stéphane Hardouin, en dénonçant des faits d'une "extrême gravité". Le magistrat a annoncé l'ouverture d'une enquête pour "tentative d'assassinat", confiée à la police judiciaire. En prenant la fuite avec ses deux enfants âgés de cinq et sept ans, l'épouse de Vincent Jeanbrun s'est fracturé le tibia, selon le procureur. "Cette nuit, un cap a été franchi dans l'horreur et l'ignominie", a déclaré le maire dans un communiqué.

Quelques heures après l'inhumation à Nanterre de Nahel, 17 ans, la nuit de samedi à dimanche a été "plus calme" que la précédente, s'est réjoui Gérald Darmanin. Son ministère a recensé moins de heurts, de destructions et de pillages que la veille dans la plupart des villes du pays, notamment à Lyon et Marseille, les deux agglomérations les plus touchées la veille. Un total de 577 véhicules et 74 bâtiments ont néanmoins été incendiés, selon la même source.

Par ailleurs, 45 policiers et gendarmes ont été blessés. Deux policiers ont ainsi été touchés à Paris "par ce qui pourrait s'apparenter à des tirs de plomb", selon une source policière, et un de leur collègues, visé à Nîmes par un tir d'arme à feu, a été protégé par son gilet pare-balles. Selon le ministère, 719 personnes ont été interpellées dans la nuit de samedi à dimanche, dont 315 à Paris et en proche banlieue, en baisse par rapport à samedi où les forces de l'ordre en avaient arrêté plus de 1.300.

"Vigilance"

"Personne ne crie victoire", a toutefois assuré sur BFMTV le préfet de police de Paris Laurent Nuñez. Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir à bout portant d'un motard et la mort de Nahel lors d'un contrôle routier à Nanterre ont choqué jusqu'au sommet de l'Etat, embrasé le pays et résonné bien au-delà des frontières françaises. Plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, ont mis à jour leurs conseils aux voyageurs en leur recommandant de ne pas se rendre dans les zones concernées par les violences. Le consulat de Chine à Marseille a lui aussi invité ses ressortissants à "être vigilants et à "éviter les zones où se produisent des manifestations et des heurts".

Selon une source policière marseillaise interrogée par l'AFP, un bus de touristes chinois s'est fait encercler et secouer jeudi par des émeutiers mais aucun des passagers n'a été blessé. Des médias d'Etat chinois avaient rapporté que le véhicule avait été la cible de jets de pierres. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a recensé samedi plus de 700 pillages en quatre nuits de troubles: 200 enseignes de la grande distribution attaqués et pillés - dont 15 incendiés -, 250 débits de tabac mais aussi 250 agences bancaires, des magasins de toutes tailles, des établissements de restauration rapide.

Cette vague de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires contre la police ou l'Etat ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. Le policier de 38 ans auteur du coup de feu qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et incarcéré.