La France du "non" au gouvernement

Laurent Fabius était le "chef de file" des partisans du "non " au projet de Constitution européenne soumise à référendum en 2005.
Laurent Fabius était le "chef de file" des partisans du "non " au projet de Constitution européenne soumise à référendum en 2005. © MAXPPP
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avec AFP. , modifié à
Une première : des partisans du "non" au référendum de 2005 deviennent ministres.

François Hollande s’adresse à la "France du non", du référendum de 2005. En nommant Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve aux Affaires étrangères et européennes, deux opposants au projet de Constitution de 2005, le chef de l’Etat envoie un message à ses partenaires de l'UE et au 55% qui avaient voté contre ce projet. C'est la première fois que la politique européenne sera menée par des partisans du "non".

La gauche s'était à l’époque profondément divisée, Laurent Fabius étant le chef de file du "non" et s'opposant violemment à François Hollande, favorable au "oui", comme la majorité du Parti socialiste. Sept ans après, cette prise de position reste-t-elle un handicap vis-à-vis des partenaires européens ?

"Dire oui à une autre Europe"

"Je pense que c'est un grand atout. D'abord parce que ca a été la décision majoritaire des Français. Ensuite et surtout parce que dès cette époque, j'étais de ceux -je suis très Européen- qui avaient compris et dit que l'Europe ne fonctionnait pas bien", a répondu jeudi Laurent Fabius.

"Ce sont des thèmes qui maintenant sont partagés par les uns et les autres. Au côté de François Hollande qui avait voté oui, nous avons fait du chemin, pris désormais une position unique. Cette affaire est derrière nous. Ce dont il est question c'est d'arriver à dire oui à une autre Europe, de sortir de la crise européenne et de bâtir autre chose", a-t-il jugé.

Pour Thomas Klau, analyste au centre de réflexion européen ECFR, ces nominations, ajoutées à celle d'Arnaud Montebourg, partisan d'un protectionnisme européen, au portefeuille du Redressement productif, sont même un "choix intelligent".

"Il n’abandonnera pas son discours avec le pouvoir"

"En intégrant à la fois les ténors du oui et du non, François Hollande crée les conditions pour obtenir un soutien sur les initiatives européennes qu'il sera amené à prendre", juge-t-il. "Marginaliser les uns aurait eu un effet contreproductif sur la dynamique du débat européen en France".

"C'est une manière de dire à la France du non que ses critiques sont intégrées dans la politique gouvernementale. Un nombre important de Français avaient voté non par une volonté de réorienter l'Europe vers davantage de régulation financière ou de politique sociale", rappelle-t-il.

Au moment où François Hollande engrange des soutiens dans l'UE pour négocier un pacte de croissance au côté du traité budgétaire, "c'est aussi une façon de montrer à Angela Merkel qu'il ne va pas abandonner son discours une fois au pouvoir", juge Olivier Costa, chercheur sur l'Union européenne à Sciences Po Bordeaux.

Selon lui, la nomination de Laurent Fabius ne devrait guère susciter de réactions négatives dans l'UE, même à Bruxelles. Plus problématique, selon lui, le CV de Bernard Cazeneuve, fidèle de Laurent Fabius, "spécialiste du nucléaire ou du Rwanda mais sans expérience européenne".

Le ministère de l’Europe : un moulin ?

"Le ministre de l'Europe, je ne l'ai jamais entendu dire un mot sur l'Europe", a ironisé l'eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit.

Pour Thomas Klau, davantage que le nom du ministre, les Européens attendent surtout que ce poste "ne soit plus conçu comme un moulin dans lequel on sort au bout de six mois", comme ce fut le cas lors du dernier quinquennat avec cinq titulaires.

"Si Hollande veut changer le comportement du couple franco-allemand en associant davantage les autres Etats membres et les institutions européennes, on a besoin d'un ministre des Affaires européennes stable qui est le seul à avoir le temps de faire ce travail de contacts", plaide-t-il.

Les deux nouveaux ministres ne seront cependant pas les seuls aux commandes. La politique européenne se décide surtout à l'Elysée et aussi au ministère des Finances, où siège un Européen convaincu Pierre Moscovici.

Et le conseiller Europe du nouveau président, Philippe Léglise-Costa, ancien numéro deux de la représentation française auprès de l'UE, est lui-même un pro-Européen rompu aux négociations bruxelloises.