Et si l'UMP se (re)mariait avec le centre ?

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STRATÉGIE STRATÉGIE - Alain Juppé et d'autres veulent rapprocher les centristes de l'UMP. Mais qu'en pensent ces derniers ?

21 avril 2002 : Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l'élection présidentielle. Deux jours plus tard, Jacques Chirac et Alain Juppé créent l'UMP afin d'"unir les forces politiques de toutes les droites" et faire barrage à la montée de l'extrême-droite. Le centre est "avalé".

10 mai 2007 : François Bayrou lance le MoDem, "une force de contre-pouvoir, libre" et indépendante.

18 septembre 2012 : Jean-Louis Borloo fédère les partis de centre droit et lance son Union des démocrates et indépendants (UDI).

25 mai 2014 : le Front national remporte haut la main les élections européennes. Le lendemain, Alain Juppé propose à ses amis de l'UMP de "reprendre contact avec nos partenaires de l'UDI et du MoDem" afin d'élaborer "une plateforme commune".

>> Un tel mariage est-il envisageable ? Alain Juppé parle-t-il au nom de toute l’UMP ? et, surtout, que pensent les centristes de cette idée ?

L'UMP est profondément divisée

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Pour Alain Juppé, nouveau président intérimaire du parti, la réponse à apporter à la victoire du FN, c'est "un retour à la philosophie de l'UMP, la réunion de la droite et du centre qui nous a conduit à la victoire en 2007". Nathalie Kosciusko-Morizet lui a apporté son soutien mercredi en plaidant en faveur d'une "alliance stratégique" avec le centre. Jean-Pierre Raffarin y est également favorable. D'autres plaident en ce sens en coulisses.

Mais de nombreuses voix se sont déjà élevées contre ce qui s’apparente à un retour en arrière. "L'alliance avec le centre, prônée par quelques-uns, montre que certains n'ont tiré aucune leçon du scrutin de dimanche dernier", a ainsi estimé mardi Rachida Dati dans un communiqué, suivie sur Twitter par Valérie Pécresse, ancienne ministre du Budget :

Jacques Myard, membre de la Droite populaire, est plus cash encore : "l’avenir de l’UMP ne réside pas dans une alliance avec les centristes, adeptes impénitents d’une Europe fédérale rejetée par les Français et les Européens. La stratégie d’alliance avec les centristes serait pour l’UMP une stratégie suicidaire" en vue d ela présidentielle de 2017.

Sauf que pour Thomas Guénolé, politologue spécialiste de la droite contacté par Europe1.fr, "pour gagner la droite a besoin du centre. Dans une élection à deux tours, il leur est indispensable de s’allier. Dans le cas contraire, ce serait prendre le risque d’être, chacun, dépassé par le Front national au premier tour." Et de rappeler que si Nicolas Sarkozy a fait campagne à droite toute en 2012, son électorat, "contrairement à une idée reçue, n’est pas majoritairement pour  une ligne ‘dure’. Trois électeurs sur cinq refusent par exemple catégoriquement l’idée d’une alliance avec le FN". Et sont donc "centro-compatibles".

Le MoDem attend de voir

Qu'en pensent les centristes, justement ? Pas facile pour François Bayrou, qui s'est imposé aux municipales à Pau grâce à l'appui d'Alain Juppé, d'aller contre la proposition de son ami du Sud-Ouest. Pourtant, le Béarnais s'est d'ores et déjà prononcé contre l'idée d'une alliance avec l'UMP. Pour mémoire, ce même François Bayrou a créé le Modem pour conserver un centre indépendant de la droite. Retour vers le futur ? "Je suis favorable à ce qu'il y ait une droite qui soit à droite et un centre qui soit au centre", a-t-il lâché mercredi sur BFMTV, avant de laisser une (petite) porte ouverte : "on peut imaginer qu'il y ait des constructions à partir de mouvements qui sont séparés."

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Contacté par Europe1.fr, Marc Fesneau (photo), secrétaire général du MoDem et homme de confiance du leader orange, fait l'exégèse des dires de son patron : "une primaire à droite n'est pas dans les radars de Bayrou pour le moment. Nous, on a besoin de consolider notre socle et notre espace. Et puis je ne vois pas l'intérêt de participer à une primaire ou de se rapprocher d'un parti si divisé idéologiquement. Attendons de voir quelle direction ils prennent, et ensuite on avisera !" Autant dire qu'il y a autant de chances de voir le MoDem fusionner avec l'UMP que de voir de Gaulle revenir en politique…

L'UDI reste en ordre dispersé

Si Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin veulent se trouver de nouveaux alliés, c'est plus naturellement vers l'UDI - allié à la précédente majorité - que leur regard devrait se tourner. Pierre Méhaignerie pourrait être leur porte-parole. "J'ai quitté l'UMP quand Copé a été élu car il oubliait complètement les centristes, et je savais la campagne frauduleuse qu'il avait menée pour s'emparer du parti. On était une trentaine à vouloir partir", rappelle à Europe1.fr l'ancien ministre de la Justice de Balladur. Envisage-t-il un retour des centristes dans le giron de l'UMP maintenant que Jean-François Copé n'en est plus président ? Pourquoi pas, répond-t-il, mais à certains conditions : "l'UMP et l'UDI doivent n'avoir qu'un seul candidat : Juppé, un homme qui dépasse les clivages. La situation est suffisamment grave pour  mettre de côté ses ambitions personnelles", tranche-t-il, avant d'assurer "ne pas être seul à penser cela à l'UDI." Et d'assurer, volontariste : "je vais travailler pour convaincre mes collègues que c'est la meilleure solution."

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Pierre Méhaignerie va avoir du boulot. Joint par Europe1.fr, Valérie Létard, sénatrice UDI proche de Jean-Louis Borloo, estime ainsi qu'il ne s'agit "que d'une opinion personnelle. Nous devons débattre, mais je pense que la proposition est un peu prématurée." Dit autrement : "nous sommes différents, bien que partenaires. Nous aurions, par exemple, eu du mal à défendre les idées de Guaino sur l'Europe… Nous avons une ligne politique claire, et rien à gagner à se voir amalgamer à l'UMP." Le député de Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde est plus clair encore : "nous proposerons en 2017 une l'alternance qui n'est pas celle de l'UMP et du PS, qui remplace un excès par un autre". "L'idée de l'UMP de rassembler le centre est une mauvaise idée", conclut Philippe Vigier, le patron des députés UDI. Avec une UMP en lambeau et un Parti socialiste qui rame, le centre revient au centre du jeu, et pourrait même devenir faiseur de roi. "On est les rois du pétrole", résume un baron de l’UDI.

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