Clips de campagne pour les européennes : voyage au bout de l'ennui

Un clip de campagne du Parti socialiste pour les élections européennes.
Un clip de campagne du Parti socialiste pour les élections européennes. © Capture France 2
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Louis Hausalter , modifié à
ÉLECTIONS EUROPÉENNES - Les règles strictes du CSA et les contraintes de temps minent la créativité des vidéos réalisées par les partis.

On baille... Il est environ 20h30 sur France 2 et le journal télévisé vient de se terminer. C'est alors qu'un générique au ton solennel apparaît : celui de la "campagne officielle" pour les élections européennes. Conformément à ses obligations de service public, la chaîne diffuse les clips de campagne des listes candidates au scrutin de dimanche. Voici Jean-François Copé, face caméra : "ces élections sont un rendez-vous majeur pour notre pays…" Puis les têtes de liste de l'UMP défilent, exposant sur un ton pour le moins professoral leurs idées.

Des plans fixes qui se succèdent, des paysages verdoyants en guise d'arrière-plan, des candidats en costume au discours très institutionnel... Le téléspectateur pourrait se croire revenu dans les années 1970. Face à la réalisation on ne peut plus convenue du clip, une forte envie le prend de zapper... ou de changer de parti. Mais la vidéo du PS ne lui réserve pas mieux. Là encore, des candidats parlent les uns après les autres. Le ton est lénifiant. L'originalité ? Inexistante.

On se prend à espérer que les plus petits partis auront, eux, pris plus de risques. Peine perdue : là aussi, des candidats récitent par cœur les raisons pour lesquelles il faudra absolument voter pour eux dimanche :

Des règles très strictes. Mais tout n'est pas de la faute des partis, loin de là. En réalité, ces spots sont strictement réglementés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Ainsi, les clips de campagne - pardon, les "émissions relatives à la campagne officielle", selon la terminologie du CSA - doivent se plier à de nombreuses interdictions. Les partis n'ont par exemple pas le droit de "tourner en dérision" les candidats concurrents, de faire apparaître des bâtiments et emblèmes officiels, ou encore d'utiliser l'hymne national ou européen.

Il est donc impossible pour un candidat au Parlement européen d'apparaître, par exemple, face à ce même Parlement, ou avec un drapeau européen en arrière-plan. Interdits aussi les appels aux dons ou encore la diffusion d'images de personnalités politiques sans leur consentement.

Un timing très serré. De quoi réduire sérieusement la marge de manœuvre des équipes de communication. Mais le pire, selon ce cadre de l'UMP interrogé par Europe1.fr, c'est le temps imparti par le CSA pour réaliser ces clips. "Le mardi 6 mai, nous avons été prévenus des conditions de format et de durée", explique-t-il. "Le lendemain, on nous demandait de prendre contact avec France Télévisions, car le tournage commençait le jeudi 8 mai. Tout devait être terminé le samedi matin, pour entamer la diffusion le lundi suivant". Quatre jours pour boucler une dizaine de clips, donc. "C'est à pleurer", soupire-t-il.

25.07 CSA audiovisuel

"Les délais ont été extrêmement serrés entre la date du dépôt des listes (le 2 mai, NDLR) et la diffusion prévue de ces émissions", invoque Francine Mariani-Ducray, conseillère en charge des campagnes électorales au CSA, interrogée par Europe1.fr. "Mais le régime de cette année a été exactement identique à ce qui s'est passé au dernier scrutin, il y a cinq ans. Les principales formations politiques en étaient donc averties. Nous les avons également prévenues des dates et conditions de diffusion par notre décision du 30 avril".

Des contraintes, des contraintes, encore des contraintes. Certes, ces clips ne coûtent pas grand-chose aux partis, puisque ceux-ci disposent des moyens techniques du CSA et du service public pour les réaliser. Mais à choisir, l'UMP préférerait les produire en interne, quitte à payer. Le problème, c'est que les règles du CSA obligent les partis à utiliser au moins 25% d'images tournées avec les équipes de France Télévisions. Ce qui les empêche d'avoir les coudées franches pour réaliser un clip en intégralité. "La loi pose un principe selon lequel ces émissions de campagne sont majoritairement réalisées avec les moyens du service public", explique Francine Mariani-Ducray, du CSA. Des contraintes sont motivées par l'équité entre les listes. En effet, en l'absence de telles règles, les partis les plus fortunés pourraient réaliser des spots d'une qualité bien supérieure à ceux des "petits" candidats.

Mais pour notre responsable de l'UMP, "c'est juste aberrant. Rien n'est fait pour que ces clips soient un minimum sexy". Pour Francine Mariani-Ducray, "une question sur la possibilité de laisser les partis réaliser ces émissions à 100% se posera à un moment donné", assurant : "nous sommes soucieux que ces émissions soient aussi attractives que possible, car cela entre aussi dans le cadre du pluralisme". En attendant, il est toujours possible d'aller voir ce qui se fait à l'étranger. Comme la vidéo de ce parti polonais de gauche, Twoj Ruch, qui a représenté ses adversaires conservateurs en amateurs d'un club de strip-tease... Rien à voir avec les cours magistraux de nos politiques français.

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