Omegle : un site web prisé par les jeunes où se mélangent pornographie et pédocriminalité

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Laura Laplaud , modifié à
Le principe du site Omegle ressemble à celui de la plateforme Chatroulette, qui a connu un succès fulgurant dans les années 2010 : rencontrer et discuter via webcam avec des inconnus. Mais la plateforme est aussi le repère de nombreux "pervers", comme le révèle l'enquête de "Koolmag". Le cofondateur de ce média en ligne, Baptiste des Monstiers, était l'invité de "Culture Médias" mercredi.
INTERVIEW

Vous souvenez-vous du site Chatroulette ? Ce site de messagerie vidéo faisait fureur au début des années 2010. Le concept : une connexion via webcam avec des inconnus à travers le monde. Vous pouviez vous retrouvez à discuter avec de parfaits inconnus en quelques secondes et zapper d'un interlocuteur à un autre d'un seul clic. Mais le site qui se voulait bon enfant était également un repère pour les pervers du web qui passaient parfois leur temps à s'exhiber en direct. 

Dix ans plus tard, un nouveau site du nom d'Omegle, assez similaire et étrangement passé sous les radars depuis sa création en 2009, fait également parler de lui. La raison ? Une enquête du média en ligne Koolmag révèle que de jeunes mineurs, parfois certains encore en primaire, se retrouvent face à des pervers sexuels.  

"Parlez avec des inconnus !"

Omegle est un site Internet américain de messagerie instantanée créé avec pour slogan "Talk to strangers !" ("parlez avec des inconnus !"). Il met en relation deux utilisateurs au hasard, de façon anonyme et sans obligation d'inscription préalable. Une seule condition requise : avoir 13 ans au minimum. Au final, un simple clic suffit à le certifier. Le site a réellement percé lors des différents confinements. 

C'est au cours d'une discussion avec une consœur que Baptiste des Monstiers, journaliste et cofondateur du média en ligne Koolmag entend parler de ce site qui ressemble étrangement à Chatroulette, comme il explique à Philippe Vandel dans Culture médias mercredi. "Je me suis connecté dessus et j'ai été plus que surpris", raconte-t-il.

Un site dangereux pour les jeunes ?

"Au début, j'ai rencontré tout ce que je pensais rencontrer, c'est-à-dire des jeunes, des garçons, des filles, entre neuf et seize ans. Certains qui jouaient, certains qui tuaient le temps. J'y suis allé un mercredi après-midi et c'était vraiment la France des collégiens", décrit-il avant d'ajouter, "assez rapidement, entre ces profils de jeunes, s'intercalent des profils d'un tout autre type".

"Des hommes qui sont cadrés sans leur visage, qui ont mis la webcam sur leur torse, sur le bas de leur ventre. Et puis, de fil en aiguille, de plus en plus de personnes avec des attitudes un peu étranges, une main sous la table, le pantalon baissé", détaille-t-il.

Une image choquante

Des attitudes explicites, des gestes osés, inappropriés que peuvent découvrir enfants et adolescents sur ce site Internet. "On a vu des personnes qui se caressaient, qui se masturbaient, voire qui s'exhibaient", s'exclame Baptiste des Monstiers. Une image, d'ailleurs dévoilée par Koolmag, a fait du bruit. Celle d'un homme, déguisé en femme, perruque sur la tête, vêtu de sous-vêtements féminins, et assis dans ce qui semble être une salle de bain, la main sur son sexe.

Au cours de son enquête, Baptiste des Monstiers et ses collègues rencontrent un jeune de 13 ans. Ils engagent la conversation. "J'essaye de tomber sur des gens de mon âge", affirme-t-il. "Qu'est-ce que tu fais à 13 ans sur un site comme ça ? Il n'y a que des tarés, du porno et des mecs qui se masturbent", lui répond le journaliste. "Je skip automatiquement, je suis un peu choqué mais ça va... J'ai pas d'amis en fait", confie-t-il.

Comment ces ados connaissent ce site ?

Une question demeure : comment ces enfants et adolescents apprennent-ils l'existence de cette plateforme ? Après un rapide tour sur YouTube, le journaliste s'aperçoit que de nombreux youtubeurs, comme Just Riadh (1,36 million d'abonnés), proposent à leurs fans de leur parler sur Omegle. À la diffusion du premier reportage de Koolmag, le youtubeur réagit au micro de Baptiste des Monstiers. "Une fois que tu as connaissance que c'est dangereux, tu te dis que ce n'est pas une bonne idée de refaire ça", exprime-t-il. "Mon but aujourd'hui, avec l'audience que j'ai, c'est de délivrer les bons messages, et de faire de la prévention."

Baptiste des Monstiers souhaite faire fermer cette plateforme. "On a les moyens quand on a la chance d'avoir des relais d'opinions publiques. Soit on s'attaque à l'hébergeur du site, soit on demande au fournisseur d'accès de bloquer le site et à Google de le déférencer, c'est possible mais ça dépend d'une décision de justice." Depuis, le secrétaire d'État en charge de l'enfance et de la famille, Adrien Taquet, a fait un signalement au procureur de la République de Paris.