Le journal indépendant russe Novaïa Gazeta suspend sa publication

Le rédacteur en chef du principal journal indépendant russe Novaïa Gazeta et lauréat du prix Nobel de la paix 2021, Dmitry Muratov, rencontre des journalistes devant les bureaux du journal à Moscou.
Le rédacteur en chef du principal journal indépendant russe Novaïa Gazeta et lauréat du prix Nobel de la paix 2021, Dmitry Muratov, rencontre des journalistes devant les bureaux du journal à Moscou. © DIMITAR DILKOFF / AFP
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avec AFP
Dans un communiqué, le journal indépendant russe Novaïa Gazeta a annoncé lundi suspendre ses publications en ligne et au format papier jusqu'à la fin de l'opération militaire en Ukraine. Le journal indique avoir pris cette mesure après avoir reçu un second avertissement du gendarme russe des télécoms, en moins d'une semaine.

Le journal indépendant russe Novaïa Gazeta a annoncé lundi suspendre ses publications en ligne et au format papier jusqu'à la fin de l'opération militaire en Ukraine, au moment où le pouvoir russe accentue ses pressions contre les voix critiques. Dans un communiqué, le journal, dont le rédacteur en chef Dmitri Mouratov a reçu en 2021 le prix Nobel de la Paix, a indiqué avoir pris cette mesure après avoir reçu un second avertissement du gendarme russe des télécoms, en moins d'une semaine, pour manquement à une loi controversée sur les "agents de l'étranger".

"Une décision terrible et douloureuse"

"Il n'y a pas d'autre solution. Pour nous, et, je le sais, pour vous, c'est une décision terrible et douloureuse. Mais il faut que nous nous protégions les uns des autres", a écrit M. Mouratov, dans une lettre adressée aux lecteurs du journal. Concrètement, il est reproché à Novaïa Gazeta de n'avoir pas précisé qu'une ONG mentionnée dans l'un de ses articles était qualifiée d'"agent de l'étranger" par les autorités russes, comme l'exige la loi.

Le journal a reçu un premier avertissement le 22 mars, puis un deuxième lundi.

De nombreux médias ruses ou étrangers bloqués

Depuis le déclenchement de l'opération militaire le 24 février, les sites de nombreux médias russes ou étrangers ont été bloqués. Novaïa Gazeta faisait figure de dernier bastion de la presse libre encore en activité en Russie. 

Les autorités ont voté plusieurs lois réprimant de lourdes peines de prison ce qu'elles considèrent comme de "fausses informations" sur le conflit en Ukraine.

La loi sur les "agents de l'étranger" est une autre arme utilisée par les autorités contre les organisations ou individus critiques du Kremlin. Ceux qui sont qualifiés d'"agent de l'étranger" sont tenus de se présenter comme tel dans chacune de leurs publications, y compris sur les réseaux sociaux. Et les médias qui les mentionnent doivent également le préciser à chaque fois.

Les poursuites peuvent être lourdes

Les poursuites pour manquement à cette loi peuvent avoir de lourdes conséquences. En décembre, l'ONG la plus respectée de Russie, Mémorial, qui était qualifiée d'"agent de l'étranger", a été interdite pour avoir oublié de préciser ce statut dans certaines publications.

Fondée en 1993, Novaïa Gazeta jouit d'une grande réputation pour ses enquêtes sur la corruption et les atteintes aux droits humains en Tchétchénie. Cet engagement a coûté la vie à six de ses collaborateurs, dont la célèbre journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006.