Libération journal 3:27
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Cyril Lacarrière, édité par Mathilde Durand
Le quotidien Libération va quitter le groupe Altice pour devenir une société à but non lucratif. Une décision unilatérale et inattendue qui inquiète les salariés. Le magnat Patrick Drahi était devenu l'actionnaire principal du titre de presse en le sauvant du dépôt de bilan en 2014. 

Une décision inattendue du côté des quotidiens français. Le journal Libération quitte le giron du groupe Altice pour se muer en société à but non lucratif. Altice France va créer "un fonds de dotation pour une presse indépendante". Celle-ci va acquérir, par l'intermédiaire d'une filiale, Presse Indépendante SAS, la journal, sa régie publicitaire et sa société de développement technologique. L'annonce a été faite lundi aux salariés du quotidien. Libération expérimente ainsi un modèle déjà mis en place par Mediapart ou encore Ouest-France, qui appartient depuis 30 ans à une association à but non lucratif. Le titre de presse devra faire appel à des mécènes pour financer son développement.

Des dettes effacées, un fonds abondé 

Un changement que Laurent Joffrin, directeur de la rédaction, accueille avec prudence, surtout quand il est interrogé sur sa signification. "C'est une question qu'il faut poser à Patrick Drahi. Il a dû estimer qu'après avoir présidé un redressement plutôt que de vendre le journal ou de le garder dans le groupe, ce serait bien de faire ça, pour le principe. Et puis pour son image aussi j'imagine, de faire en sorte que le journal acquiert une pérennité et une indépendance qui soit consacrée par ce changement juridique", explique-t-il au micro d'Europe 1.

"On est sur une voie de redressement, pas facile. Et ce redressement sera financée par la fondation et donc le groupe Altice, qui est le groupe de Patrick Drahi, s'est engagé d'abord à effacer toutes les dettes du journal, au moment de la translation, et ensuite à apporter suffisamment de fonds pour garantir et la vie courante, et le développement du journal."

Deux proches collaborateurs de Patrick Drahi au conseil d'administration

Patrick Drahi par l'intermédiaire du groupe Altice, avait sauvé le titre de presse, employant 200 salariés, du dépôt de bilan en mars 2014. Il était ainsi devenu l'actionnaire principal. Et ce transfert ne marque pas le désintérêt du magnat des télécom, également propriétaire de BFM-TV, RMC et SFR. 

"Cette fondation sera dirigée par un conseil d'administration composée de moi-même, d'Arthur Dreyfus le directeur général d'Altice Média, proche collaborateur de Patrick Drahi, et par Laurent Halimi qui est un des directeurs d'Altice également. Par l'intermédiaire de ses deux collaborateurs proches, Patrick Drahi reste intéressé par l'avenir du journal. Simplement ce sera dans un cadre juridique indépendant, et non pas comme une filiale".

Les réserves des salariés

A la fin de l’année, Libération quittera l’Altice Campus où il s’était installé à la fin 2017. Un nouveau changement pour les salariés qui restent inquiets. La Société des Journalistes et du Personnel a publié un communiqué hier. Si elle dit d’abord qu’elle salue la création de ce fond de dotation, elle émet ensuite plusieurs réserves.

La première, c’est que cette annonce a été faite de manière inattendue et sans concertation. Le communiqué indique ensuite que la présentation ne permet pas de rassurer les équipes. Les salariés de Libération demandent des garanties juridiques, financières et sociales, mais aussi d’être pleinement associés à la mise en place et à la gouvernance de cette fondation.