Franz-Olivier Giesbert : "On est rentré dans le journalisme de masse"

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Ugo Pascolo
Pour l'éditorialiste, la presse est soumise à un effet de masse, avec le camp du bien et le camp du mal. Le journalisme ne se résume plus, selon lui, qu'à distribuer "les bons points".
INTERVIEW

"Si la crédibilité de la presse est au plus bas, ce n'est pas la faute des chaines d'infos, boucs émissaires trop faciles, ni de la prétendue nullité de la classe politique". Voici un extrait de l'édito signé la semaine dernière par Franz-Olivier Giesbert, dans Le Point, dont il est éditorialiste. Le titre est sans équivoque : Les médias les plus bêtes du monde.

"La 'tyrannie douce' des médias". Selon Franz-Olivier Giesbert, "ce qui mine les médias français c'est le suivisme obligatoire, le phénomène de meute, le refus horrifié de la moindre dissonance, une pensée unique aussi subtile qu'un marteau pilon". Au micro de Village médias, mardi, celui qui est aussi directeur éditorial de la Provence pousse un coup de gueule contre la presse française, à commencer par son traitement de l'affaire Wauquiez. "On pilonne Mélenchon et Wauquiez comme s'ils n'avaient pas le droit d’exister. Pourquoi il n'y a pas un journaliste pour les défendre", tonne l'éditorialiste. "On est entrés dans une sorte de tyrannie douce, celle que dénonçait Alexis de Tocqueville : tout le monde dit la même chose, tout le monde a les même cibles", s'emporte-t-il sur Europe 1.

 "Tout le monde dit la même chose, nous sommes tous consanguins"

"Le pilonnage permanent". "Pourquoi l'affaire Wauquiez a-t-il fait la Une ? Il suffit de regarder les réseaux sociaux pour voir que ça n'intéresse personne", argue-t-il. "L'affaire n'a passionné que le microcosme politique ou médiatique. Les Francais eux s'en fichent", explique Franz-Olivier Giesbert. Avant de préciser, "je n'ai rien contre l'enregistrement, ni contre le travail de Quotidien, je trouve ça très bien. Mais c'est un pilonnage permanent". "Il y a un mot qui résume bien cet état d’esprit, c'est le mot dérapage. Ça veut dire qu’il faut rouler droit, il y a une route possible et pas l'autre. Le journalisme pour moi ne consiste pas à rouler droit", explique FOG.

"Le boucher Erdogan". Autre affaire qui met les nerfs de Franz-Olivier Giesbert à rude épreuve : le Ghouta orientale, en Syrie. "Les médias ne parlent que de ça, ils ont raisons parce Assad commet des exactions contre des rebelles qui sont en fait des islamistes", explique-t-il. "Ça, personne ne le dit, mais c'est la réalité. Et en même temps, rien, jamais rien, sur ce qui se passe en Syrie, où l'armée turque bombarde sans arrêt des Kurdes de l’enclave d'Afrine", tonne l’éditorialiste. 

"Les médias français sont tous parisiens". Alors pourquoi, selon lui, les médias ne parlent-ils pas de la situation en Syrie en dehors de la Ghouta ? "C'est l'effet de masse", répond Franz-Olivier Giesbert. "On a le camp du bien et le camp du mal. Et le journalisme, aujourd'hui, ne se résume plus qu'à ça : il faut donner des bons points. Il n'y a plus d'enquête, il n'y a plus de journalisme contradictoire. On est rentré dans le journalisme de masse. Les médias français sont tous parisiens", tonne l'éditorialiste au Point [dont les locaux sont parisiens, ndlr]. "Tout le monde dit la même chose, nous sommes tous consanguins", conclut-il.