Crimes non résolus : l'impossible reconstruction

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Guillaume Perrodeau
France 5 est partie à la rencontre de plusieurs familles qui ont perdu un proche, sans que le coupable soit arrêté.

Ici, pas de super flic ou de super magistrat pour surgir à la fin et faire éclore la vérité, comme dans une de ces séries policières dont la télé regorge. Dans Justice, le douloureux silence, la réalisatrice Florence Kieffer est allée à la rencontre de familles de victimes qui vivent sans réponse. Ils ont perdu un proche, leur fille, un père et des années plus tard, aucun coupable n'a été trouvé et jugé.

"Pendant 20 ans, je n'ai jamais rencontré un juge". En France, il n'existe pas de statistiques officielles sur les crimes non-élucidés. Pour autant, on estime en moyenne que sur 1.000 homicides, 15% ne sont pas résolus dans un délai raisonnable. Les années passent, sans que la vérité judiciaire n'émerge. Dix, 15, parfois 20 ans s'écoulent, avec cette peur constante que la justice referme le dossier. "Pendant 20 ans, je n'ai jamais rencontré un juge", constate, amer, Michel Bluzet, père de Virginie, assassinée en 1997.

Marie-Rose Blétry, mère de Christelle, a aussi connu l'attente et l'absence de considération. "Lorsque ma fille a été assassinée, à aucun moment on ne nous a expliqué sa mort. On a appris qu'elle avait reçu 123 coups de couteau par les journaux", explique-t-elle. En 2014, une fenêtre d'espoir finira par s'ouvrir. Après 18 ans de combat, la justice accepte enfin de procéder à des prélèvements ADN sur l'ensemble des vêtements de la victime. Un homme est finalement identifié. En février, il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

"La justice dort bien sur ses deux oreilles. Moi je ne dors pas". Justice, le douloureux silence accumule ainsi des témoignages, tous aussi poignants les uns que les autres. Difficile de ne pas être ému face au désarroi de ces familles qui poursuivent leur combat pour la vérité, sans vraiment trop croire dans la justice de leur pays. "La justice dort bien sur ses deux oreilles. Moi je ne dors pas", lance Eric Boisseranc, père de Marine, assassinée en 2005.

Face à ses témoignages, Florence Kieffer tente d'amener un peu de contradiction, notamment pour contre-argumenter les familles des victimes, qui reproche aux forces de police une absence de compassion. La réalisatrice va ainsi à la rencontre d'un ancien directeur de la PJ de Versailles, Jean-Marc Bloch, qui tente de démêler l'appareil judiciaire. "La plupart des crimes et homicides sont imputables aux proches ou à la famille de la victime. Au départ, on évite donc de leur communiquer des éléments de l'enquête", décrit-il. "La police estime ensuite qu'une fois que la famille s'est constituée partie civile, elle doit communiquer avec le juge, par l'intermédiaire de son avocat", déclare Jean-Marc Bloch.

Mais pour ces familles, on sent bien qu'il faudra plus, beaucoup plus que ces explications. Anéantis par des années de procédure sans voir une issue, ces hommes et femmes semblent vivre dans un entre-deux douloureux et pénible, d'où seule la vérité pourrait les tirer.