Libération s'est progressivement tourné vers le numérique depuis cinq ans. 3:18
  • Copié
Thibaud Le Meneec , modifié à
Le journal possédé par Patrick Drahi, au bord du gouffre il y a quelques années, s'est redressé grâce au numérique. Son co-gérant, Clément Delpirou, est venu expliquer la stratégie du journal dans "Culture Médias" avec Philippe Vandel, mercredi matin.
ON DÉCRYPTE

C'était il y a un cinq ans, une éternité dans le monde des médias. "Libération est au bord du gouffre", affirmait alors son directeur opérationnel de l'époque, Pierre Fraidenraich. Depuis, le quotidien - qui perdait de l'argent - s'est redressé grâce au numérique pour afficher, en 2019, une santé retrouvée : 18.000 abonnés numériques ont été recrutés depuis juillet 2018 et l'objectif est d'atteindre les 70.000 fidèles d'ici 2021.

Clément Delpirou, co-gérant de Libération, était l'invité de Culture Médias avec Philippe Vandel, mercredi, sur Europe 1, pour expliquer le passage des voyants du rouge à l'orange pour le journal. Voire, de manière surprenante pour un quotidien en 2019, au vert.

Une dizaine de journalistes en plus depuis 2018

Si "Libé" est aujourd'hui encore assez loin des chiffres des autres quotidiens que sont Le Figaro (121.000 abonnés numériques) et surtout Le Monde (183.000), l'ex-quotidien de la rue Béranger (la rédaction est aujourd'hui à l'Altice Campus, dans le sud-ouest de Paris) a su opérer sa mue pour trois raisons, selon Clément Delpirou.

D'abord, l'investissement éditorial a été au cœur du virage numérique de Libération. "Même si ça peut sembler contre-intuitif, la rédaction a grossi depuis un an et demi", affirme le co-gérant du journal. Aujourd'hui, il y a "un peu plus de 190 journalistes" à la rédaction du quotidien, toujours classé à gauche.

Chez Pol, Tu mitonnes, Rajeux…

Cet investissement éditorial s'est doublé d'un investissement technique, après une refonte du quotidien papier et du site au printemps 2015. La direction a mis en place des interfaces, recruté des développeurs et bâti une équipe spécifique destinée à rendre l'abonnement numérique plus attractif. "Avant, c'était le grand défaut de la presse française", assure Clément Delpirou. Au menu, une procédure plus simple pour s'abonner, avec des tarifs ronds : 8 euros pour l'édition numérique et 25 euros pour l'offre intégrale comprenant le numérique et le papier.

Enfin, Libération a voulu enrichir son offre "avec des contenus spécifiquement numérique,  parfaitement raccords avec les fondamentaux de Libération" : on retrouve par exemple "Chez Pol", la newsletter politique quotidienne qui vient de fêter son premier anniversaire, "Tu mitonnes", une rubrique sur la gastronomie, et une application de jeux, "RaJeux". Dernièrement, le journal a lancé "L", une newsletter féministe qui élabore pour octobre une revue consultable sur mobile.

À L'Express, une clause de cession avant la refonte

Également co-gérant de L'Express, maintenant détenu par Alain Weill, patron d'Altice France, Clément Delpirou indique qu'"une trentaine de journalistes" ont quitté l'hebdomadaire depuis l'ouverture de la clause de cession, qui est un dispositif permettant aux journalistes de quitter un média avec des indemnités lorsque son propriétaire change. Cette clause de cession se termine vendredi soir.

Et L'Express prépare aujourd'hui sa refonte, avec "un projet différent de Libération", sur le modèle de l'hebdomadaire libéral anglo-saxon The Economist : "plus dans l'analyse", l'idée est de "ne pas se battre au jour le jour avec les quotidiens pour traiter l'info chaude", mais "prendre son temps" pour analyser l'actualité et livrer "chaque semaine une soixantaine d'articles à valeur ajoutée".