Comment Cyril Hanouna est devenu le porte-voix des "gilets jaunes"

Cyril Hanouna sera aux commandes d'une émission spéciale "grand débat national", vendredi soir avec Marlène Schiappa.
Cyril Hanouna sera aux commandes d'une émission spéciale "grand débat national", vendredi soir avec Marlène Schiappa. © Capture d'écran C8
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Thibauld Mathieu
L'animateur, qui présente une émission spéciale "grand débat national" vendredi soir avec Marlène Schiappa, s'est érigé depuis deux mois en "médiateur" des "gilets jaunes".

L'annonce en a fait bondir plus d'un. Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, aux côtés de l'animateur Cyril Hanouna pour une émission spéciale "grand débat national", vendredi soir sur C8 ? À première vue, l'association des deux a tout d'un mélange improbable. À y regarder de plus près, il ne l'est pourtant pas tant que ça. "Cyril Hanouna, ça fait des semaines qu'il invite des 'gilets jaunes'", a déjà pointé la secrétaire d'État sur Europe 1. C'est elle, d'ailleurs, qui l'a contacté pour lui proposer d'organiser cet "échange citoyen", intitulé "La Parole aux Français" et diffusé à partir de 22h15.

"Les chéris depuis deux mois on débat et on donne la parole à tous dans TPMP (Touche pas à mon poste !, ndlr) et BTP (Balance ton post !, ndlr). Apparemment certains le découvrent... Certains veulent confisquer le débat... Le réserver pour eux... Nous on continuera à l’ouvrir à tous les Français !", a également tonné le présentateur, sur Twitter. Les temps ont visiblement bien changé depuis la séquence des "nouilles dans le slip" ou celle du canular jugé homophobe - qui lui avait d'ailleurs valu les critiques d'une certaine Marlène Schiappa.

Interpellé à la sortie des studios. Le 19 novembre dernier, deux jours après "l'acte 1" des "gilets jaunes", l'animateur de 44 ans sort à peine de son studio quand il est interpellé par une trentaine de manifestants. La nuit est déjà tombée à Boulogne-Billancourt. "On veut que tu dises à Macron que le peuple souffre", "tu as le pouvoir de réunir les gens", insiste l'un d'entre eux. "Je vous laisse la parole quand vous voulez. Si vous voulez venir demain, vous venez", leur répond Cyril Hanouna.

Une première délégation reçue sur son plateau. La promesse est tenue. Dès le lendemain, le talk-show aborde le sujet à travers cette question : "Gilets jaunes, un coup médiatique réussi ?" Autour de la table, Idir, informaticien, Adel, superviseur ferroviaire, Jean-Claude, chauffeur VTC, et Maxime Nicolle, intérimaire dans la mécanique devenu depuis une figure du mouvement.

Pendant 23 minutes, la petite délégation fait passer ses messages, dénonçant la sous-évaluation des chiffres fournis par le ministère de l'Intérieur, critiquant l'attitude de médias qui montrent "l'inverse de ce qui se passe sur le terrain", voire la censure de certaines images sur les réseaux sociaux. L'un d'entre eux réclame aussi la "destitution" d'Emmanuel Macron. Cyril Hanouna, lui, joue les arbitres, et calme parfois les ardeurs de ses invités du soir. "Nous, ce qu'on voudrait pour vous, c'est que le message avance, que le gouvernement prenne des décisions. Si, demain, je peux être votre porte-parole à la télé et si vous voulez venir me voir (...), on le fera", finit-il par lâcher, avant d'opter plutôt pour le terme "médiateur".

Le manque de contradiction pointé du doigt. L'émission fait réagir au sein même du gouvernement, à commencer par le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi. "Hier, j’ai écouté Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste !. Il a invité plusieurs 'gilets jaunes', dont un qui a passé toute l’émission à dire en permanence des mensonges, des véritables fake news (…) Et il n’a été contredit par personne, à aucun moment ! Cela veut dire qu’on peut aller aujourd’hui avec un gilet jaune et raconter n’importe quoi sur toutes les antennes et ça, c’est inacceptable !", s'offusque-t-il dans une interview accordée à L'Opinion.

Le message est visiblement passé, puisque le soir même, les représentants du mouvement reçus en plateau font face à des représentants des artisans et des petits commerçants, pour débattre de l'impact de la mobilisation sur l'économie.

"Si on peut faire le relais entre vous et le gouvernement…" Les émissions de Cyril Hanouna se transforment peu à peu en véritables agora. "Si on peut être les médiateurs, parce qu'on est une émission populaire, si on peut faire le relais entre vous et le gouvernement, et on sait que mine de rien, cette émission est très regardée dans les plus hautes sphères, même à l'Elysée... Cette émission a commencé à faire bouger les choses. Nous, tout ce qu'on veut, c'est que tout se passe bien", répète-t-il face caméra, avant de consacrer un Balance ton post ! entier à la cause, le vendredi 23 novembre. Un numéro baptisé "La France en colère", comme le sont les groupes Facebook d'Éric Drouet et Priscillia Ludosky.

Du divertissement pur à l'infotainment. Et comme sur les réseaux sociaux, la parole y est plutôt débridée. Mais quelque chose a changé. La star du divertissement a en effet troqué ses vieilles recettes et ses happenings, qui lui ont si souvent causé des problèmes avec le CSA, pour de l'infotainment, un mélange d'information et de divertissement. Le mouvement avait déjà été amorcé depuis septembre, avec le lancement de "Balance ton Post !", consacré à l'actualité, et la réception de plusieurs personnalités politiques, parmi lesquelles Marlène Schiappa, déjà, mais aussi Mounir Mahjoubi, Adrien Quatennens (LFI), Nicolas Dupont-Aignan, ou encore Christophe Castaner.

Les audiences suivent. Pour sa première émission avec des "gilets jaunes", TPMP réunit même plus d'1,8 million de téléspectateurs pour 7,4% part d'audience. Un chiffre que l'émission n'avait plus réalisé depuis février 2016. Les rendez-vous estampillés "gilets jaunes" deviennent quasi-quotidiens. Franck Dubosc choisit naturellement le plateau de Cyril Hanouna pour faire son mea-culpa après une polémique sur son vrai-faux soutien aux manifestants.

En dehors des plateaux aussi. L'investissement de l'animateur, lui, dépasse les frontières de sa simple émission. Aux côtés de Stéphane Bern, Sonia Rolland ou Thierry Lhermitte, il fait ainsi partie des 175 personnalités à publier une tribune dans Le Parisien pour demander à "transformer la colère en débat". "Le message qui cherche à s'exprimer derrière le mouvement social inédit des 'gilets jaunes' existe : il doit être entendu, comme lui-même doit être capable de s'exprimer désormais par la discussion. Le temps de la protestation violente et celui du déni doivent cesser de part et d'autre pour ouvrir le temps du dialogue", peut-on notamment lire.

Parallèlement, l’animateur de 44 ans lance l'idée d'une "banque du cœur", qui doit permettre de venir en aide à ceux qui ont du mal à boucler leur fin de mois. "Oui, je les invite sur mon plateau, je leur donne la parole, mais je me disais : 'Je fais quoi, moi, pour eux ?'", expliquait-il au micro de Nikos Aliagas, le 7 décembre dernier sur Europe 1.

Une contribution au "grand débat national". Vendredi soir, son émission avec Marlène Schiappa prévoit de donner la parole à des "retraités, infirmiers, demandeurs d'emploi, commerçants, enseignants, agriculteurs", qui "témoigneront de leur quotidien", selon la chaîne C8. Les téléspectateurs, eux, pourront contribuer à ce drôle d'atelier sur les réseaux sociaux, et voter pour les idées qu'ils souhaitent voir porter auprès du gouvernement. Car les contributions seront ensuite enregistrées sur le site du "grand débat national". De quoi tordre le cou à l'un des gimmicks préférés de "Baba" : non, ce n'est pas "que de la télé".