Réfugiés climatiques : "C’est déjà une réalité aujourd’hui"
Le nouveau rapport du Giec, qui sera publié le 25 septembre, confirme une tendance qui se dessinait depuis plusieurs années : le nombre de réfugiés climatiques sera à terme "considérable". François Gemenne, spécialiste des flux migratoires et chercheur à Sciences Po Paris, revient sur ces futurs déplacements et leurs conséquences.
Le prochain rapport du Giec s’annonce inquiétant. La fonte des calottes polaires et des glaciers conjugués à la dilatation thermique de l’eau fait monter le niveau des océans. Une hausse de plus de 40 cm environ est attendue d’ici à 2100 dans le scénario optimiste où le réchauffement global ne dépasserait pas 2 °C. L’élévation du niveau des mers se poursuivra au rythme de "plusieurs centimètres" chaque année. En conséquence, les experts anticipent le déplacement de 280 millions de personnes dans le monde. Un phénomène qui a déjà débuté, selon François Gemenne, spécialiste des flux migratoires et chercheur à Sciences Po Paris.
280 millions de personnes vont devoir fuir leur lieu d’habitation avec la montée des eaux et c’est le cas d’un scénario optimiste avec une mutation du réchauffement climatique à 2 degrés ?
Le rapport n’est pas encore finalisé et c’est à ce moment-là que nous aurons les chiffres définitifs. Mais il est certain qu’un grand nombre de personnes devront quitter leur lieu de vie à cause de la hausse du niveau des mers.
Le nombre de réfugiés climatiques sera considérable à terme car les zones côtières sont les plus peuplées de la planète ?
Historiquement, les gens se sont toujours installés près des côtes parce que les communications étaient plus faciles, le sol plus fertile et encore aujourd’hui, ce sont des zones qui continuent à attirer énormément de gens. Il ne faut pas uniquement parler de ces migrants au futur car c’est déjà une réalité aujourd’hui du fait du changement climatique. C’est un des premiers facteurs de déplacement des populations dans le monde. L’essentiel de ces déplacements ont lieu à l’intérieur des frontières d’un pays et ce n’est pas pris dans les statistiques.
La plupart des gens qui sont amenés à se déplacer ne font pas partie des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre ?
C’est la grande injustice, géographique, du réchauffement climatique car les pays les plus touchés sont ceux en développement et ce sont ceux qui portent la plus faible responsabilité. C’est aussi une des raisons pour laquelle il est difficile de réduire les émissions de gaz à effet de serre : les pays qui en produisent le plus savent qu’ils ne seront pas directement touchés.
La question politique va être essentielle sur ces migrations ?
Quand on voit les tensions politiques et les crises dans l’Union européenne qu’amènent chaque nouveau bateau d’ONG qui recueillent des migrants, on a peine à imaginer comment on pourrait sereinement envisager le déplacement et la relocalisation de milliers de personnes. C’est pourtant une question que nous devons nous poser dès maintenant si nous voulons éviter les crises humanitaires. Quand on voit la difficulté que nous avons eue pour reloger les personnes après la tempête Xynthia, nous comprenons que nous sommes très mal préparés.