Pourquoi l'Amérique se passionne pour les midterms

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Le taux de participation au "early voting" (vote anticipé) a explosé. © Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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avec Xavier Yvon , modifié à
Alors que les élections de mi-mandat sont traditionnellement délaissées par les électeurs, plusieurs signes laissent penser que cette fois, la participation pourrait être plus forte que d'habitude.

C'est la grande inconnue des midterms du 6 novembre. Quel va être le taux de participation ce scrutin de mi-mandat ? Traditionnellement, ce genre d'élection attire peu. En 2014, seuls 36,4% des Américains s'étaient rendus aux urnes. En 2010 et 2006, ce taux n'avait pas dépassé la barre des 41%. En sera-t-il autrement en 2018 ? Les signes en faveur d'un regain d'intérêt pour les midterms se multiplient, ce qui n'est pas sans conséquence sur le résultat lui-même. Chaque parti espère en effet que ce surplus de vote lui permettra de tirer son épingle du jeu.

Les sondages annoncent des records de participation

Il y a des chiffres, d'abord. Lors des dernières élections partielles survenues depuis l'élection de Donald Trump, les taux de participation ont eu tendance à augmenter. Prenons l'exemple de l'Alabama, bastion conservateur où a eu lieu une sénatoriale partielle fin 2017. À l'époque, le centre d'information et de recherche sur l'engagement et l'apprentissage civique (Circle) avait mesuré une participation chez les 18-29 ans de 23%. Cela peut sembler peu dans l'absolu, mais seuls 11% des jeunes de la même classe d'âge de cet État avaient voté aux midterms de 2014.

Et l'exemple de l'Alabama semble pouvoir être extrapolé à l'ensemble du territoire américain. Le mois dernier, le Circle a commandé une enquête à l'institut GfK, qui a révélé que 34% des 18-24 ans s'estimaient "très susceptibles" d'aller voter le 6 novembre prochain. Un taux d'engagement "proche des niveaux observés pour la présidentielle de 2016", a noté le Circle. C'est aussi ce que suggère une enquête de l'école d'administration publique de l'université de Harvard. Menée depuis 2009 et sur un échantillon large de jeunes du pays, cette étude a relevé cette semaine que 40% des 18-29 ans déclaraient qu'ils voteraient "assurément" pour les midterms. Un record absolu en neuf ans pour des élections de mi-mandat.

Les votes anticipés explosent

D'autres signes ne trompent pas. Lundi 22 octobre s'est ouvert le vote anticipé, qui doit permettre d'éviter d'interminables files d'attente le 6 novembre. Et les premiers chiffres qui en sortent témoignent d'une hausse de la participation. "Le vote anticipé n'a cessé d'augmenter dans la dernière décennie", explique Tom Bonier, fondateur de TargetSmart, une plateforme de data politiques. "Mais les premiers signes que nous avons là montrent une hausse plus importante encore." Mercredi, soit cinq jours avant la date officielle de l'élection, 3,4 millions de Texans avaient déjà voté par anticipation dans leur État traditionnellement acquis aux Républicains. En 2014, le total des votes anticipés ne s'élevaient qu'à 2,1 millions.

Par rapport à 2014, les votes anticipés des 18-29 ans ont au moins doublé, et parfois même quadruplé dans les quatre États sur lesquels s'est penché TargetSmart (les bastions Républicains que sont l'Arizona et la Floride, et les deux "swing state", qui oscillent entre bleu et rouge, que sont la Pennsylvanie et le Nevada). Les plus âgés ne sont pas en reste : le vote des 40-49 ans a augmenté de 204% en Pennsylvanie et 164% dans le Nevada. En termes de couleur politique, la participation des sympathisants démocrates augmente plus que celle des sympathisants républicains. Mais en Pennsylvanie et en Floride, le bond le plus spectaculaire est observé chez les électeurs qui ne sont affiliés à aucun des deux partis.

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Les indifférents s'engagent

Un autre chiffre est parlant pour illustrer cet intérêt pour les élections. Selon Tom Bonier, au Texas, 200.000 Américains qui ont d'ores et déjà voté grâce à la procédure anticipée ne s'étaient jamais rendus aux urnes avant.

Et certains qui n'avaient jamais milité décident cette fois de faire campagne, à l'instar de Bill Nichols. À 54 ans, ce père de famille du Connecticut s'est engagé pour les Démocrates. "C'est la première fois que je fais ça, mais je n'ai jamais été aussi inquiet. C'est aussi la première fois de ma vie que je hais vraiment un politicien. Et ce politicien, c'est Donald Trump", explique le quinquagénaire au micro d'Europe 1. "C'est un tel hypocrite, un tel menteur… il s'en fiche de ce pays. Il n'y a que lui et sa base qui comptent, il va nous ruiner. Il faut vraiment mettre un frein à ce train fou de l'enfer. Et le seul moyen, c'est de voter."

En Oklahoma, Carri Hicks est même allée plus loin. Cette professeure de mathématiques et de sciences a décidé de briguer un siège au Sénat. Et nous explique qu'elle observe un sursaut au sein de sa classe sociale. "Lors de la dernière élection pour ce poste, seulement un prof sur cinq a voté. Nous, les profs, on doit s'emparer de ça. Et on a déjà vu dans les primaires une participation record et historique. J'espère que ce mouvement va continuer pour l'élection générale. Je pense que tout ça a réveillé quelque chose en chacun de nous : nous devons participer."

Reste à savoir à qui profitera cette participation. Les Démocrates sont persuadés que c'est bien le manque d'engagement des électeurs plutôt acquis à leur cause qui a provoqué la chute d'Hillary Clinton en 2016, et donc que ces sursauts devraient leur être favorables. Dans les enquêtes d'opinion, les courbes d'enthousiasme à l'idée de voter se sont récemment croisées. Selon un sondage de Pew Research Center publié le mois dernier, 67% des sympathisants démocrates se disent impatients d'aller aux urnes, contre 59% des sympathisants républicains. Mais cela ne présage en rien d'une "vague bleue" : si les Démocrates ont de grandes chances de retrouver une majorité à la Chambre des représentants, ils semblent loin de pouvoir bouter les Républicains hors du Sénat.