PORTRAIT - Qui est Nicusor Dan, prodige des maths vainqueur de la présidentielle roumaine ?

Le maire pro-européen de Bucarest Nicusor Dan a remporté le second tour de l'élection présidentielle dimanche en Roumanie, selon des résultats quasi définitifs, dans un retournement de situation spectaculaire, comparé au premier tour.
Brillant mathématicien, Nicusor Dan, vainqueur de la présidentielle dimanche en Roumanie, s'est fait connaître en luttant contre la corruption à Bucarest. Une recette que le discret maire pro-européen de la capitale veut désormais appliquer à son pays.
Un artisan du "changement"
Il faisait face à une équation complexe au lendemain du premier tour : comment rattraper le retard de 20 points sur son adversaire, le nationaliste George Simion ? Déjouant tous les pronostics, il a finalement remporté le duel avec plus de 54% des voix grâce à la forte mobilisation des Roumains, "un moment d'espoir" qu'il a salué devant des partisans survoltés.
À 55 ans, Nicusor Dan a décidé de se lancer dans la course après "le choc" du 24 novembre, quand l'élection a été dominée par une figure d'extrême droite que personne n'attendait, puis annulée sur fond de soupçons d'ingérence russe. Il s'est vu en homme providentiel après avoir constaté que l'ascension de l'extrême droite était en grande partie due au rejet d'une classe politique "corrompue" et "arrogante", aux manettes depuis la fin du communisme en 1989.
C'est donc avec son thème favori qu'il est parti au combat, "l'honnêteté", se présentant en artisan du "changement". "Cela ne peut pas continuer ainsi, nous voulons du changement", disait-il la semaine dernière à ses supporteurs. "Il nous reste encore un petit pas à faire pour que nous disposions enfin d'autorités capables de bâtir ensemble la Roumanie dont nous rêvons", et de surmonter "la haine et les divisions".
L'homme du changement sauf en politique étrangère : son soutien à Kiev est infaillible, son engagement européen aussi. Une carte qu'il a mise en avant pour l'emporter face à "l'isolationniste" George Simion.
Du militantisme à la politique
Né le 20 décembre 1969 à Fagaras, en Transylvanie (centre), où il a voté dimanche en hommage à ses racines, Nicusor Dan est un petit prodige des maths. Vainqueur à deux reprises des Olympiades internationales, il part étudier dans les années 1990 en France, d'abord à Normale Sup puis à la Sorbonne où il décroche un doctorat.
De retour en Roumanie, ce chercheur et professeur à l'université se tourne vers l'activisme civique, militant contre le développement urbain illégal et pour la préservation des bâtiments historiques. À la tête de son association "Sauvez Bucarest", il gagne des dizaines de procès et se fait connaître du grand public.
Ce qui lui donne des envies de politique, même si cette carrière l'accapare aujourd'hui trop au goût de sa fille, raconte à l'AFP ce père de deux enfants.
Naturel réservé
Le militant fonde un parti réformateur devenu USR en 2016, mais le quitte sur un désaccord car il préfère ne pas prendre position en ce qui concerne les sujets LGBT+, dans un contexte d'hostilité en Europe centrale et orientale.
Après deux tentatives infructueuses, Nicusor Dan accède en 2020 à la mairie de Bucarest avant d'être facilement réélu quatre ans plus tard. Il se vante d'avoir modernisé le système de chauffage et les installations sportives, tout en sauvant la ville de la faillite. Ses détracteurs lui reprochent son manque d'aplomb, des vidéos TikTok raillant ses propos hésitants. S'il reconnaît ne pas être "un grand communicateur", il dit avoir fait des progrès au fil des ans. "Il est davantage dans un registre de gestionnaire mais c'est vraiment un type honnête" qui maintiendra la Roumanie sur "le droit chemin", estime le politologue Sorin Cucerai.
Tout heureux à l'annonce de sa difficile qualification au premier tour, ce candidat indépendant s'est montré combatif dans l'entre-deux-tours et a occupé l'espace médiatique tandis que son adversaire laissait souvent sa chaise vide. Comme pour effacer l'image d'intellectuel réservé qui lui colle à la peau.