Nicaragua : nouvel assaut contre Masaya, l'Église craint "un massacre"

Les forces de l'ordre du Nicaragua ont lancé jeudi un nouvel assaut contre la ville de Masaya, déclarée en rébellion par ses habitants
Les forces de l'ordre du Nicaragua ont lancé jeudi un nouvel assaut contre la ville de Masaya, déclarée en rébellion par ses habitants © AFP
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avec AFP
Les violences sont quotidiennes dans le pays, alors que les forces du gouvernement tentent de reprendre le contrôle des villes auto-déclarées en rébellion, notamment Masaya.

Les forces de l'ordre du Nicaragua ont lancé jeudi un nouvel assaut contre la ville de Masaya, déclarée en rébellion par ses habitants, et les évêques catholiques ont décidé de se rendre sur place "pour éviter un nouveau massacre".

Alors que l'Église avait l'espoir de voir repartir le dialogue national, suspendu depuis lundi, l'annonce de cette offensive, qualifiée de "disproportionnée" par le secrétaire de l'Association nicaraguayenne (pour les) droits de l'homme (ANPD), Alvaro Leiva, a ravivé les craintes de violences. "C'est incohérent de parler de dialogue et d'être en train d'assassiner le peuple à tour de bras", a dénoncé Alvaro Leiva. "Je lance un appel au président (Daniel) Ortega pour qu'il arrête la tuerie contre le peuple de Monimbo", quartier indigène de Masaya ciblé selon lui par l'intervention.

Plus de 180 morts depuis avril. Inquiète, l'Église catholique, qui avait appelé à une journée de prières, a annoncé qu'elle envoyait ses évêques sur place. Depuis le 18 avril, quand ont éclaté les premières manifestations, le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh) a dénombré 187 morts et plus de 1.000 blessés. Les violences sont quotidiennes dans le pays, le plus pauvre d'Amérique centrale, alors que les forces du gouvernement tentent de reprendre le contrôle des villes auto-déclarées en rébellion, notamment Masaya, commune de 100.000 habitants située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Managua et devenue l'épicentre des protestations.

Barricades et hommes armés. Selon le leader étudiant Cristian Fajardo, des détonations ont été entendues dans le nord de la ville où "environ 500 hommes encagoulés et fortement armés sont en train d'avancer". Les habitants restaient enfermés chez eux pendant que des agents anti-émeutes et des hommes masqués et armés parcouraient les rues en tirant et en enlevant les barricades érigées par les riverains, selon des images diffusées par la télévision. Ailleurs dans le pays, d'autres offensives ont été signalées: ainsi, les cloches des églises ont sonné dans la nuit dans plusieurs villes comme Diriamba (ouest), pour alerter de la présence d'hommes armés tentant de démonter les barricades.

Vers une guerre civile ?. Suspendu depuis lundi, le dialogue entre gouvernement et opposition semblait pourtant sur le point de reprendre, alors que l'exécutif a finalement invité, comme il l'avait promis, des organismes internationaux comme l'Union européenne ou le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme à venir enquêter sur les violences commises. L'Église comme l'opposition appellent le président Ortega - un ex-guérillero de 72 ans au pouvoir depuis 2007 après l'avoir déjà été de 1979 à 1990 - à permettre l'organisation d'élections générales anticipées en mars 2019 (au lieu de fin 2021). Ce dernier reste muet sur ce point.

Le couple présidentiel accusé de confisquer le pouvoir. La vague de contestation, engagée pour dénoncer une réforme de la sécurité sociale qui a depuis été abandonnée, cible le chef de l'État et son épouse et vice-présidente, Rosario Murillo: le couple est accusé de confisquer le pouvoir et de brider les libertés. Le couple Ortega-Murillo accuse les rebelles d'être des "délinquants" et "vandales", coupables de "terrorisme" et de mettre à mal l'économie du pays. De nombreux commerces sont fermés et des milliers de camions de marchandises restent bloqués sur les routes du Nicaragua. Le département d'Etat américain a appelé à organiser des élections anticipées et dénoncé la répression par les forces de l'ordre, de même que l'ONU, le Parlement européen ou encore Amnesty international.